Pierre Verville : Douce folie
Scène

Pierre Verville : Douce folie

«Y a un sujet qui ne va pas se montrer la face ce soir, et c’est le sexe…» Avec un tel avertissement, lancé en ouverture de son nouveau spectacle, Pierre Verville semble vouloir se démarquer des dilateurs de rates patentés qui font la gloire de notre industrie du rire en misant sur l’humour gras.

Et effectivement, dans Pierre Verville lâche son fou, le petit humoriste à l’air mutin se distingue de bien des pros de l’humour par quelques incursions réussies du côté de l’absurde et de la satire sociale. Une tentative qui demeure cependant trop timide, à l’intérieur d’une prestation en dents de scie.

Tablant sur quelques enfilades d’imitations et une demi-douzaine de personnages de son cru, Verville séduit et déçoit tour à tour: ses caricatures habilement développées côtoient le gag facile, ses personnifications révélatrices flirtent avec l’imitation Xérox insipide. A ce chapitre, sa biographie musicale, où il incarne ses vedettes de jeunesse, de Patof à Pierre Lalonde, nous laisse résolument sur notre faim.

Par contre, Verville peut s’enorgueillir d’un pastiche de Jean Charest qui est presque une pièce d’anthologie. Se référant à lui-même à la troisième personne pour mieux s’écouter parler et rire de ses blagues sur les séparatistes, le frisé politicien se fait même poète quand il déclare, la main sur le cour, que «chaque Québécois est une feuille dans le bel érable canadien». Le ton pédant, la démagogie triomphante et la perruque de circonstance sont alors du plus bel effet.

Autre beau moment du spectacle: les confidences troublantes et angoissées d’un vieillard hanté par une horde de démons dans son foyer pour personnes âgées. Le sketch de cet être abandonné, dont le délire paranoïaque devient le seul compagnon, est particulièrement touchant. Le propos et l’incarnation très humaine de Verville prouvent, une fois de plus, que ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle…

Malheureusement, en marge de ces perles, l’humoriste tombe trop souvent dans le convenu et l’éculé. L’inévitable pot-pourri de chansons aux paroles traficotées lasse d’autant plus que les imitations des Bruno Pelletier, Éric Lapointe et autres Paul Piché sont parfois déficientes sur le plan de la vraisemblance physique et vocale. Et le sketch du psy déjanté qui nous encourage à devenir des ânes est aussi vide qu’inepte.

Les textes, rédigés par une quinzaine de scripteurs, pèchent donc rarement par excès de subtilité. Trop souvent, une réflexion peu aboutie, une finale en mal de punch et, globalement, un manque d’unité viennent torpiller ce portrait éclaté de notre petit monde québécois. Une faille que ne corrige pas vraiment la mise en scène de Danielle Fichaud, qui se contente surtout de maintenir le rythme, malgré quelques changements d’accessoires un peu laborieux.

Dans l’ensemble, Pierre Verville nous sert un spectacle aux textes plus étoffés que ceux de Stéphane Rousseau, Marc Dupré ou Lise Dion, entre autres. Mais son propos et sa démarche manquent encore d’une vision et d’un souffle qui lui permettraient de se distinguer vraiment de ses confrères. Comme quoi il ne suffit pas d’éviter de parler de sexe pour prouver son originalité.

A La Cinquième salle de la Place des Arts
Supplémentaires au début novembre à confirmer