Patrick Quintal : Un autre monde?
Scène

Patrick Quintal : Un autre monde?

A chacun de ses passages à Montréal, le Théâtre du Double Signe (Mowgli, Houdini) a coutume de nous entraîner dans des mondes étranges, des dimensions parallèles. Sans en avoir délibérément fait sa signature, la compagnie sherbrookoise – qui amorce sa quatorzième année d’existence – explore plus souvent qu’à son tour les rives, guère fréquentées ici, du fantastique.
«On affectionne bien cette frontière entre le réel et l’imaginaire, explique le directeur artistique Patrick Quintal. Mais, en fait, j’aime surtout les thèmes de la mort, du double, et en les traitant, on bascule dans d’autres univers. Il y a une sorte de dérive. C’est intéressant, parce que ça pose des défis au théâtre qu’on essaie de relever par le jeu, par la transposition.»
L’univers de Guy de Maupassant avait déjà inspiré Patrick Quintal l’auteur, qui en avait tiré les pièces 100% humain et Le Corset. Le polyvalent Quintal s’attaque cette fois, en tant que comédien, à la plus célèbre nouvelle fantastique de l’écrivain français: Le Horla. Mis en scène par Carole Nadeau, ce monologue intimiste, qui avait fait une mini-tournée des maisons de la culture l’an dernier, sera joué à Fred-Barry dès le 27 octobre.

Le Horla décrit l’obsession croissante d’un homme qui se sent envahi par une présence étrangère et invisible, qui boit son lait et reprend le contrôle de ses actes… Une emprise angoissante dont il analyse très lucidement les étapes dans son journal intime. «Maupassant nous tient constamment sur la corde raide. On ne sait jamais si cette présence est réelle, ou si c’est le fruit de l’imagination du personnage.» Pour Patrick Quintal, l’auteur dépeint très justement la dérive d’un être qui sent la mort venir. «J’ai des proches qui ont été en phase terminale et ils ont eu des hallucinations, cette espèce de passage dans l’autre monde. On est ici dans un fantastique très ancré dans une humanité.»

Le Horla pose aussi la question du Double, de l’homme étranger à lui-même. «Une bonne partie du dérapage du personnage, à mon avis, est due à cette dualité qu’il vit à l’intérieur et dont il n’est pas toujours conscient. Le Horla, c’est un peu son monstre intérieur. Et j’ai l’impression que c’est peut-être une des nouvelles les plus personnelles de Maupassant. Il a vécu tout ça à la fin de sa vie: hallucinations, paranoïa; il a été interné. Et il est mort six ans après la parution du Horla.»

La fin du XIXe siècle était fascinée par la folie, l’hypnose, comme notre époque cultive la paranoïa et un goût pour l’ésotérisme. Avec ses interrogations pessimistes sur l’avenir de l’humanité, sa plongée parano, son évocation d’un être «venu d’un autre monde» et appelé à dominer l’Homme, Le Horla éveille «des résonances très actuelles». Ce «monde où l’on n’est sûr de rien», ce pourrait bien être le nôtre.

Du 27 octobre au 14 novembre
A la salle Fred-Barry