Attention… Madame : Une comédienne à découvrir
Scène

Attention… Madame : Une comédienne à découvrir

«J’espère que vous avez saisi: ceci est un flash-back. Ce soir, on se moque de toutes les possibilités théâtrales.» Voilà, c’est clair: Attention… Madame entend explorer le lien entre la scène et le public, briser l’illusion théâtrale, faire éclater le quatrième mur, ce vilain mur de Berlin qui se dresse, invisible mais inviolable, entre le comédien et le spectateur dans la très grande majorité des pièces.

Dans cette courte production – une heure à peine – du Théâtre du Marteau, une compagnie de la Vieille Capitale installée à La Petite Licorne pour encore une fin de semaine, le metteur en scène Jean Bélanger a donc amalgamé quatre textes qui permettent à la comédienne Marie-Josée Bastien de sortir de son personnage: les envolées délirantes de René-Daniel Dubois (26 bis, impasse du colonel Foisy), le didactisme distancié d’un Peter Handke (Outrage au public), le récit sensuel de Lise Vaillancourt (son Éloge de la luxure, tiré du récent spectacle Les Huit Péchés capitaux) et Le Facteur réalité, de René Gingras. Toutes ouvres où le statut du spectateur est relativement, à des degrés divers, remis en question.
En résulte une trame plus ou moins cohérente pimentée d’humour, d’aventures rocambolesques et salaces – la flamboyante princesse russe de Dubois, quant à elle, s’envoie joyeusement en l’air. Une ligne brisée qui saute d’un récit à l’autre, entrecoupée de décrochages où la comédienne rompt avec la narration.

Pourtant, la «proposition» de départ ne semble pas poussée très loin. Hormis ce qui est inscrit dans le texte, la comédienne noue peu de contacts audacieux avec le public. Ici, elle prend une table dans la salle; là, elle emprunte un programme à un spectateur, ou y va d’une affirmation outrée: «C’est lui que je violerais!» Mais ces dérapages contrôlés, où le public est directement interpellé, restent somme toute peu nombreux. Oui, il y a représentation, pour contredire le sous-titre du spectacle…

Jouant sur les changements de registre, le show devient plutôt un exercice sur l’art de la narration théâtrale, une gymnastique de haut vol pour interprètes talentueux. Attention… Madame est servi par une bonne comédienne, qui a du coffre, du bagout et une diction des plus précises. Une comédienne qui maîtrise toutes les nuances des différents récits, et qui demeure toujours éminemment théâtrale.

On ira donc à La Licorne, en toute impunité, pour découvrir Marie-Josée Bastien, et savourer une performance qui finit par capter notre attention. Un peu paradoxal, certes, vu les intentions de départ. Mais c’est, qu’on le veuille ou non, l’un des éléments qui font la force du théâtre.

Les 30 et 31 octobre
A La Petite Licorne