Les solos de Marie Chouinard : A tout prendre
Scène

Les solos de Marie Chouinard : A tout prendre

MARIE CHOUINARD a réussi son pari: la rétrospective de vingt années de ses solos est un des événements de la saison. Deux décennies de création qui mettent en lumière le travail originale d’une artiste assoiffée de liberté.

Prétentieuses, les intentions de Marie Chouinard qui présente, au Musée d’art contemporain, onze solos regroupés en trois parties? La chorégraphe saura-t-elle maintenir l’intérêt du spectateur trois heures durant alors que bien des spectacles de danse n’y parviennent même pas en une heure? La réponse est oui… sans l’ombre d’un bâillement.

Entre la simplicité de sa toute première création, signée en 1978, et la sophistication de ses dernières-nées, évoluent environ une dizaine de performances qui se distinguent par leurs caractères souvent singuliers, tantôt humoristiques, tantôt émouvants. Oubliez l’aspect provocation associé à son nom pendant les premières années de sa carrière. La scène du pipi dans un seau ou celle de la masturbation ne choquent plus personne. La première suscite plutôt un sourire. La seconde, qui est immédiatement suivie d’une séquence poignante, révèle une Marie Chouinard dans toute sa vulnérabilité et sa franchise. Ce que l’on découvre au cours de cette première, c’est son incroyable appétit de liberté qui se manifeste dès les premières créations; un appétit que l’on retrouve malheureusement très peu chez les nouveaux chorégraphes québécois.

La deuxième partie présente les principales pièces conçues au milieu des années 80 ayant contribué à faire connaître la blonde chorégraphe à l’extérieur du pays (L’Après-midi d’un faune et S. T. A. B, notamment). On comprend pourquoi: gestuelle d’insecte, costumes extravagants (lorsqu’il y en a!), emploi ingénieux des accessoires et trame sonore hétéroclite composée, entre autres, de respirations humaines amplifiées. Du jamais vu en danse qui demeure encore aujourd’hui d’une extrême originalité.

Le hic, c’est que la puissante dimension visuelle noie entièrement la dimension intimiste qui émouvait tant en première partie. Il faudra attendre la dernière tranche du spectacle pour retrouver ce fil sensible. Celle-ci s’ouvre sur Étude poignante, une pièce noire, étrange, dansée sur pointes, qui se termine par une séquence géniale. La deuxième nouveauté se révèle d’une tout autre texture: l’excellente danseuse Carole Prieur, qui porte une bonne partie du spectacle sur ses épaules, est vêtue d’un maillot en latex transparent. Sur une musique tonitruante, elle se démène comme un diable dans l’eau bénite. C’est à la fois rigolo, techniquement exigeant et accrocheur. Jouissif.

Jusqu’au 8 novembre
Au Musée d’art contemporain

La nouvelle danse latine
Quand Jason Caldeira discute de son art, son regard devient brillant, ses mains hachurent l’air et les mots déboulent en vrac. Le chorégraphe d’origine brésilienne a beau affirmer vouloir se tenir loin des clichés découlant de la culture sud-américaine, tout de sa personne nous rappelle sans cesse ses origines. A commencer par son discours pour le moins bouillant sur la danse. Pour lui, il n’existe pas de demi-mesures dans son travail: «Je ne cherche pas à plaire. Ce que je veux, c’est établir un lien avec le spectateur, provoquer un échange avec lui.»

Les spectacles de Jason Caldeira ne laissent personne indifférent. «On aime ou on n’aime pas. J’aime bien susciter un sentiment d’inconfort. Mais attention, je le fais toujours dans le but de provoquer un débat», dit le principal intéressé. A l’exemple de plusieurs confrères et consours québécois, le chorégraphe s’inspire de ses émotions profondes. Et son art emprunte souvent le sentier parfois tortueux de l’érotisme. «La créativité est étroitement liée à la sexualité. Aujourd’hui, les artistes parlent de la sexualité de façon propre, mais pas toujours franche. Pourtant, elle évoque la vie.»

Avant de s’établir à Montréal il y a trois ans, Jason Caldeira a vécu à Toronto et à … Drummondville. Dans cette ville, il joint les rangs de la compagnie de danse L’Astragale, pour laquelle il signe des spectacles. Il danse aussi pour des chorégraphes réputés comme Marie Chouinard, sans toutefois rester longtemps auprès d’eux. L’artiste en lui supporte mal leurs ambitions qui l’excluent de la création, ce qui suscite moult frustrations chez lui. Écoutant son intuition, il tourne le dos à l’interprétation afin de donner libre cours à son imaginaire, histoire de voir de quelle étoffe il est fait.

Au cours de cette période, il signe des solos et des duos qui sont présentés à Montréal et à Toronto. Ce week-end, à l’intérieur d’un programme spécial portant sur la nouvelle danse latine, à Tangente, il livrera un spectacle inédit en compagnie de la danseuse d’origine vénézuélienne Patricia Perez. Ce spectacle «à la fois intime et ludique» indique un important virage dans la carrière du chorégraphe. «Je suis plus calme, moins rebelle.»

Aujourd’hui, il sent moins l’urgence de défoncer les portes de la création. A preuve: il vient d’écrire à des chorégraphes québécois pour les inviter à assister à l’une des représentations de son travail. Il en a profité pour leur offrir ses services de danseur. Sera-t-il en mesure de se soumettre de nouveau aux exigences d’un ou d’une collègue? «Je crois que oui.» Et pour une des rares fois pendant l’entrevue, ses mains restent immobiles sur la table.

Du 29 au 31 octobre
A Tangente

Mini-tournée de danse
A surveiller dans le programme des maisons de la culture du mois de novembre, de solides spectacles de danse signés respectivement par José Navas, Margie Gillis et Louise Bédard Danse. Cette dernière y rode sa plus récente chorégraphie de groupe qui prendra l’affiche de l’Agora de la danse, en janvier prochain. On s’informe auprès de la maison de la culture de son quartier.
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