Les pires spectacles à couvrir, quand on fait le métier de critique, sont ceux qui laissent ni chaud ni froid. L’Oiseau vert, la dernière production du TNM, qui souligne le retour de Paul Buissonneau à la mise en scène, est de ceux-là. Dans l’ensemble, c’est un spectacle bien monté, bien joué, divertissant, avec des moments d’émotion. Or, malgré cela, cet Oiseau vert – une ouvre qui mise beaucoup sur le merveilleux, le rêve et la magie – demeure au ras du sol.
Le dix-huitième siècle italien a donné au théâtre deux grands auteurs: Carlo Goldoni et Carlo Gozzi. Après nous avoir fait découvRir le premier (La Locandiera, La Serva amorosa), le TNM nous présente une ouvre du second, dans une traduction de Marco Micone.
En 1985, la Comédie de Genève et le grand Benno Besson étaient venus à Montréal présenter L’Oiseau vert, à l’invitation du Théâtre Denise-Pelletier. N’ayant pas vu la production suisse, je ne peux la comparer à celle-ci. Mais on sait que Besson disposait de dix fois plus d’argent. Il ne s’agit pas d’un détail comptable: les nombreux éléments fantastiques et les émerveillements féeriques imaginés par Gozzi demandent un imposant dispositif scénique. Est-ce pour cela que la proposition de Buissonneau semble déficiente à ce niveau?
On comprend difficilement l’esthétique à la fois bric-à-brac et chromée prisée par le metteur en scène et les concepteurs (Mario Bouchard au décor, et François Barbeau aux costumes). La scéno oscille entre l’arte povera, le carton-pâte, le kitsch, le métissage des styles et des époques. Avec de beaux clins d’oil (les serpents sur la couronne de la reine-mère, les squelettes sur une robe…).
Or, il y a trop de clins d’oil, et pas assez de vision. Il y manque un souffle, un doigté, pour que la mise en scène de celui qu’on nomme le «magicien du théâtre» soit, justement, magique.
Par contre, côté direction d’acteurs, Buissonneau a bien fait son boulot et soigné autant les personnages principaux que les secondaires. Parmi cette distribution, qui compte treize comédiens, trônent Hélène Loiselle et Jean-Louis Millette. Ils campent de singuliers monarques, archétypes du despote (Loiselle) et du poltron (Millette). Leur complicité et leur professionnalisme sur la scène valent le détour par le TNM. La scène où ils discutent de la manière d’exercer le pouvoir est un grand moment de théâtre. Isabelle et Martin Drainville, amusants de désinvolture, manquent un peu de tragique et de vérité. Certains acteurs étonnent dans des compositions savoureuses et burlesques: Yves Desgagnés, en Pantalon; Frédéric Desager – avec une belle assurance – constitue une révélation dans le rôle du poète de la Cour; Ghyslain Tremblay et Suzanne Champagne, en petits commerçants avides, sont formidables.
Bref, du bon théâtre, mais sans la magie, le mordant, l’intelligence et la vivacité que l’ouvre aurait pu susciter.
Jusqu’au 21 novembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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