Richard moins III : La guerre des clans
Que dire d’une compagnie qui se réclame d’Ubu, du Théâtre du Soleil et de Meyerhold, comme de Beckett et de Koltès (entre autres mentors avoués)? Que dire d’un spectacle qui emprunte à «tout Shakespeare» et à Agatha Christie, à Boris Vian et aux «pétasses des films de Rohmer», et qui est dédié, sans prétention aucune, à Antoine Vitez? Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on n’a pas de culture ni d’ambition…
Avec Richard moins III, le Théâtre Kafala, qui avait récolté des éloges pour Le Chour des silences, il y a un an et demi, se lance dans une grosse fresque: «l’histoire naturelle et sociale d’une famille échouée contre l’écueil fin de siècle» (bonjour Zola). Le spectacle écrit et mis en scène par Lük Fleury s’amorce comme une énigme humoristico-policière à la façon Clue, une pochade qui ne manque pas de style avec ses personnages typés. Qui a tué le richissime maître de maison? Mais la pièce abandonne bientôt cette piste pour explorer maladroitement les liens familiaux et la mémoire historique. Ce clan excentrique (je vous épargne les histoires de jalousie et d’inceste) est confronté, via deux ancêtres exhumés du temps d’Olivar Asselin, à une tradition dont certains de ses membres voudraient faire table rase. L’héritage, découvre-t-on, c’est «le passé».
Vaste programme, donc, sous ces allures de pastiche trempé dans trop de références.
Rien de mal à se gaver d’emprunts, en autant qu’on parvienne à forger un style personnel. Or, Richard moins III ressemble souvent à une enfilade de numéros qui s’éparpillent dans toutes les directions, perdu entre une pochade pas assez folle et de lourdes ambitions. Malgré les séances de gigue – l’une des signatures de la troupe – qui viennent swinguer un peu les échanges, autrement ennuyeux, entre les deux fantômes du passé, malgré quelques portraits de famille qui ont de la gueule, malgré de bons moments, la mise en scène de Fleury, campée dans un espace nu, ne réussit pas vraiment à créer un climat insolite. Faute de rythme, faute de style, on se lasse vite.
Les jeunes comédiens se fendent de quelques compositions amusantes: Anne-Sylvie Gosselin, Shanda Pall en émule de Mortitia Addams, Normand Lafleur en adepte du mouvement artistique «après-gardiste». Céline Brassard et la polyvalente Julie Rivard se paient de bons numéros. Mais c’est un butin assez maigre pour un spectacle qui s’éternise et qui semble chercher son chemin pendant deux heures trente.
Jusqu’au 14 novembre
Au Théâtre du Maurier du Monument-National