Le jour où Mary Shelley rencontra … : Charlotte Brontë
Scène

Le jour où Mary Shelley rencontra … : Charlotte Brontë

Jusqu’au 21 novembre
Au Centre international de séjour

Agissant comme de véritables miroirs de l’âme, les créatures de Mary Shelley (Myriam Le Blanc) et de Charlotte Brontë (Éva Daigle) renvoient à celles qui leur ont donné le jour le reflet des aspirations profondes et secrètes qui hantent leurs consciences. Mary aurait voulu oser, être grande et forte comme le monstre de Frankenstein (Stéphan Allard) qu’elle a imaginé. Quant à Charlotte, elle attribue ses propres désirs à Jane Eyre (Annie La Rochelle), son personnage. La confrontation est inévitable. Les personnages, nés des frustrations de leurs créatrices, s’affirment et revendiquent un sort meilleur qui corresponde davantage à leurs aspirations.

Par une lugubre nuit d’orage, les destins des deux écrivaines se croisent alors que Charlotte vient chercher conseil auprès de Mary, son aînée. Les deux femmes réalisent rapidement qu’elles sont toutes deux hantées par les créatures de leurs romans. Victimes de la même tragédie, elles deviennent complices. De même, une connivence inévitable s’installe entre les deux créatures. Alliances et duels aboutissent bientôt à une prise d’otages au cours de laquelle les personnages dictent à leurs auteures la suite de leurs histoires. Charlotte triomphe et part le cour léger, mais Jane la poursuit en gardant espoir. Quant au monstre de Frankenstein, son destin est scellé à jamais…

Le texte d’Éduardo Manet est très riche et peut être interprété de multiples façons. Il propose une réflexion fort intéressante sur la relation qui existe entre un créateur et son ouvre. La mise en scène de Stéphan Allard est à la fois conventionnelle et efficace. Elle se démarque toutefois par l’idée ingénieuse et originale de faire du théâtre en noir et blanc. La scénographie, les éclairages, les costumes et les maquillages créent une esthétique particulière qui sert très bien le texte. L’ensemble fait adéquatement ressortir les oppositions et les parallèles. L’ambiance est intime et la proximité des comédiens permet au spectateur de capter des expressions habituellement impossibles à saisir au théâtre.

Myriam Le Blanc interprète de façon exceptionnelle une Mary Shelley amère, désabusée, cynique et remplie de regrets, dont l’intransigeance se mêle à une évidente lassitude. Tout le contraire de Charlotte Brontë qui est pleine de rêves et de désirs. Éva Daigle rend bien la passion, l’enthousiasme, la naïveté, l’excitation, la nervosité et le sentiment d’urgence de son personnage. On sent un peut la même effervescence chez Jane Eyre. Elle revendique vigoureusement le droit de choisir, de mener sa vie comme elle l’entend. Quant au monstre de Stéphan Allard, il fait sourire et on s’y attache. Il veut tellement changer, que son visage soit le reflet de toute la bonté qu’il a en lui… Une chose est certaine, du haut de ses cothurnes et avec sa voix caverneuse, il a de quoi impressionner. Les grondements qu’il émet sans cesse expriment sa rancour, sa révolte. Avec Le jour où Mary Shelley rencontra Charlotte Brontë, le Théâtre des Archivés signe une première production des plus réussies.