Paul-André Fortier : Violence et tendresse
Scène

Paul-André Fortier : Violence et tendresse

PAUL-ANDRÉ FORTIER ne craint pas la nouveauté. Après La Part des anges, son ouvre précédente très zen, et une de ses plus matures, il explore avec Jeux de fous la fougue de la jeunesse. Une pièce étrange et cacophonique qui donnera le vertige aux jeunes, et aux moins jeunes.

A 50 ans et des poussières, Paul-André Fortier se paie un bain de jouvence avec Jeux de fous, sa dernière création à l’affiche de l’Agora de la danse. Les chorégraphes «rentre-dedans» n’ont qu’à bien se tenir: un nouveau joueur foule leur gazon. Et pas sur la pointe des pieds, S.V.P.!

Le moins que l’on puisse dire de cet artiste, c’est qu’il ne craint pas la nouveauté. Après une année consacrée à la tournée de ses dernières pièces, à la création d’une nouvelle et à un spectacle de théâtre où il tenait un rôle majeur, il revient à la danse par une nouvelle porte. A la demande de la direction de l’Agora de la danse, qui souhaitait une ouvre inédite pour son jeune public, il a inventé une danse qui se déroule à la vitesse d’un clip techno, interprétée par trois danseurs à peine sortis des écoles.

Le défi pour ce chorégraphe qui roule sa bosse depuis une bonne vingtaine d’années: captiver un public âgé de 7 à 77 ans. Mais comment? «Je me suis mis à réfléchir sur le projet au lendemain de mon dernier spectacle, La Part des anges, une pièce méditative, extrêmement structurée, esthétique et interprétée par des danseurs matures. Je me suis dit: "Pourquoi ne pas explorer son versant opposé avec des danseurs inexpérimentés"?»

Aussitôt dit, aussitôt fait. Paul-André Fortier, également professeur de danse à l’UQAM, approche d’anciens étudiants talentueux comme Emmanuel Jouthe, Eve Lalonde et Ivana Milivic. En studio, il leur enseigne les mouvements. La texture et l’énergie de la pièce, il leur laisse entre les mains. Avec ces corps dans la jeune vingtaine aussi agiles qu’impétueux, le résultat frôle l’anarchie. Cela plaît au chorégraphe réputé autrefois pour ne pas faire dans la dentelle. «C’est une pièce un peu étrange, cacophonique. Il s’en dégage un sentiment d’urgence.» Il se dit aussi surpris: «Ces jours-ci, je me questionne sur sa structure. Qu’est-ce que je suis en train d’exprimer de moi à travers ces séquences chorégraphiques qui mêlent la tendresse et la violence, et qui se succèdent à un rythme rapide?»

La réponse lui viendra sans doute beaucoup plus tard lorsque la poussière aura retombé. Pour le moment, seuls les habitués des ouvres de Fortier sauront identifier sa signature. Ils devront s’attendre toutefois à un méchant dépaysement: Fortier a entraîné ses collaborateurs à prendre le train. «On ne cherche pas à se donner un coup de jeunesse. Je me suis laissé porter par les interprètes, et les collaborateurs par la pièce. Le compositeur Gaétan Lebouf, par exemple, a notamment conçu des morceaux de guitare électrique, une nouveauté pour lui.»

Cette exploration tous azimuts effraie par moments le chorégraphe. «J’ai peur parce que je ne suis pas en plein contrôle de ce que je fais. C’est la pièce qui me dicte où elle veut aller. Et cela me donne le vertige, mais aussi une excellente raison de continuer à chorégraphier.»

Du 19 au 28 novembre
A l’Agora de la danse