Les Mots : Jeu de mots
Après la musique, la lumière, le corps, la voix, le Nouveau Théâtre Expérimental propose un spectacle sur le thème des mots. Les concepteurs SYLVIE DAIGLE et JEAN-PIERRE RONFARD en dressent l’abécédaire.
Au début était… le verbe. Mais il manquait les mots pour exprimer la pensée de façon concise. Après leur invention, on a voulu comprendre entre les mots. Car ils ne suffisent pas toujours. Plus d’un auteurs s’est buté à leur consonance. Céline disait qu’il faut se méfier des mots. Ionesco se demandait si «les racines des mots étaient carrées». Son pote de l’absurde, Adamov, pensait que «ces gardiens du sens souffrent autant que les hommes». «Les mots vous lâchent, il est des moments où même eux vous lâchent», concluait Beckett dans Oh! Les beaux jours.
Sylvie Daigle et Jean-Pierre Ronfard sont deux personnes qui ont le souci des mots. Graphiste pour le Nouveau Théâtre Expérimental depuis onze ans, (elle fait partie de Folio & Garetti), Daigle travaille donc avec la matière réelle des mots. Alors que Ronfard est plutôt le gardien du sens des mots. «C’est un travail différent, reconnaît Sylvie Daigle, mais nous avons une complicité par rapport au langage. Nous avons en commun le goût des mots. Et je crois que nous avons les mêmes exigences.»
Après la publication des Cahiers du NTE, il y a deux ans, Ronfard a proposé à Daigle de faire équipe sur un projet de spectacle dont le thème serait les mots. Après Autour de Phèdre, La Voix d’Orphée, Violoncelle et Voix et Lumière, la troupe expérimentale continue dans la voie des études théâtrales qui explorent un aspect de la création scénique. «Il s’agit bien d’une étude, dit Ronfard. Pas d’un atelier. Je ne crois pas aux ateliers ou aux work in progress. Quand on se présente devant un public, c’est toujours un spectacle. Les études veulent poser des questions sur l’art théâtral. C’est aussi notre mission, car nous sommes une compagnie expérimentale. C’est un spectacle que je conçois même comme une chose anti-théâtrale. Il n’y a pas de décor, pas de costumes…»
«On veut intéresser les gens à la force des mots, poursuit Sylvie Daigle. A leur sonorité et à leurs mystères. Mais ça demeure ludique. Il y a aussi beaucoup de jeux de mots. Ce n’est pas un cours, ni une leçon: mais une étude. Mes collègues me trouvent parfois fatigante quand j’accroche sur un mot. Ils m’appellent l’Office de la langue française (rires)! Mais c’est plus fort que moi… Si j’avais un livre à emporter sur une île déserte, ce ne serait pas un roman, mais un dictionnaire! Car, avec un dictionnaire, l’histoire n’est jamais finie.»
«Je suis de plus en plus sensible à la musique des mots, explique Ronfard. Et aussi à leur contenu. Je veux faire l’adéquation entre le mot en tant qu’objet sonore et ce qu’il veut exprimer. Contrairement au slogan qui dit qu’une image vaut mille mots, notre spectacle dit qu’un mot vaut des milliers d’images. Autant d’images qu’il y a de gens pour recevoir ce mot. C’est intéressant pour un metteur en scène de réaliser ça.»
Est-ce que ce sera un spectacle bavard? «Terriblement, répond le metteur en scène. Mais on pose aussi la question: "Qu’est-ce que les mots qui nous manquent?" Quand on n’arrive pas à exprimer ce qu’on veut dire. Mais, à l’opposé, avoir trop de mots, c’est aussi difficile que n’en avoir aucun. On arrive au même cul-de-sac.»
Comment s’est déroulée cette première collaboration à une pièce? «Sylvie est responsable du visuel, et moi, de l’écriture. Je suis très heureux de cette collaboration.» «Et moi, je suis très flattée», réplique Daigle.
La distribution comprend Pascale Montpetit, Marcel Pomerlo, Martin Dion, Marie-Josée Picard, Emmanuelle Jimenez, et Ronfard, qui assure également la mise en scène.
Les Mots fait partie de l’événement Le Temple des mots. Le NTE organise aussi les activités suivantes: tous les lundis soir, à 20 h 30, dans le cadre des Soirées romanesques, la comédienne Alexandrine Agostini fait la lecture d’un épisode du roman L’Obéissance à son auteure, Suzanne Jacob. Les jeudis, vendredis et samedis, à 22 h 30, place aux conteurs avec Contes autour d’une table. Les vendredis et samedis, à 17 h 30, Christian Vézina présente Le poète fait du chapeau. Finalement, le lancement du deuxième numéro de L’Organe, «un objet journalistique à géométrie variable», se fera le 23 novembre à 19 h, à l’Espace Libre. Cette nouvelle édition prend la forme d’un journal intime. Le comité éditorial est formé de François Archambault, Éric Jean et Marie-Eve Gagnon.
A l’Espace Libre
Du 23 novembre au 19 décembre