En dedans : Regard intérieur
Scène

En dedans : Regard intérieur

GINETTE LAURIN vient de créer une nouvelle pièce plus formelle et épurée que l’esthétique théâtrale habituelle. Est-ce un changement de cap pour la directrice d’O Vertigo?

Voilà déjà quinze ans que la chorégraphe Ginette Laurin crée pour sa compagnie et, à l’occasion, ailleurs. Et pendant toutes ces années, la panne d’inspiration ne l’a jamais visitée. «Je parviens toujours à dire les choses de façon différente sans que je ne force la note», confie-t-elle au lendemain d’une brève tournée à Toronto.

Sa nouvelle pièce, En dedans, à l’affiche de l’Espace Go à partir de la semaine prochaine, affiche bien sûr des vestiges de ses précédents spectacles, dont l’avant-dernier, La Bête. Après plus de deux années à le danser sur des scènes nord-américaines et européennes, la troupe avait envie de passer à une chorégraphie moins physique. «Je fais souvent cela dans mon travail. Après la création d’une pièce de type "gros sabots" je reviens à une danse "nu-pieds"», dit-elle en rigolant.

Mais ne tirons pas trop vite une conclusion: En dedans reste une chorégraphie moins exigeante sur le plan physique, mais extrêmement demandante sur le plan de la concentration. «J’ai beaucoup travaillé sur l’état d’intériorité. En fait, je suis partie du personnage de Sylvain Lafortune, tiré de La Bête (un personnage introverti), pour donner le ton à la pièce.»

Côté gestuelle, la chorégraphe s’est amusée à inventer diverses versions d’un même duo. Résultat: une pièce plus formelle que théâtrale, à l’esthétique épurée.

Depuis sa création, il y a un an, En dedans n’a presque pas roulé sa bosse. «On devait d’abord faire le deuil de La Bête (dont les dernières représentations viennent à peine d’avoir lieu)», avoue Ginette Laurin. Il est difficile pour la compagnie de faire marcher deux pièces en même temps. Pourtant, la demande est là. «Aux États-Unis, on me réclame encore Chagall. J’ai aussi des invitations pour reprendre Déluge. Mais pour y arriver, je devrais employer deux équipes, ce que je n’ai pas les moyens de faire.»

A défaut de présenter des pièces de son répertoire, Ginette Laurin va de l’avant. Les premières bases de sa prochaine pièce, qui sera dansée au printemps sur une musique jouée live par la Société de musique contemporaine du Québec, sont jetées. Encore une fois, la chorégraphe est à cent lieues de sa précédente pièce. Ce qui n’est pas sans lui déplaire: «Nous sommes une compagnie de recherche et de création, pas une compagnie de répertoire. Cela présente un avantage: je n’ai pas à créer tous les deux mois. Mes projets prennent le temps de mûrir.»

Du 2 au 12 décembre
A l’Espace Go

Les Girls
Après plus de dix ans au sein de la compagnie de Ginette Laurin, Carole Courtois vient de troquer son statut de danseuse permanente contre celui de pigiste. Sa carrière débute plutôt bien: au Monument-National, la semaine prochaine, elle escaladera les échafaudages de Bagne en compagnie de Sarah Williams. «La proposition de danser cette pièce est arrivée au bon moment. Depuis deux ans, je me demandais si je devais rester, ou quitter O Vertigo. Ce n’est pas que j’y étais mal, au contraire. C’est juste que j’avais moins le cour à l’ouvrage.»

Créé et interprété à l’origine par Pierre-Paul Savoie et Jeff Hall, Bagne évoque la complexité des relations humaines nouées à l’intérieur d’un univers carcéral. Cette pièce à succès sera pour la première fois interprétée par un duo féminin. Grandeur oblige, la petite Carole Courtois incarnera le personnage de Pierre-Paul Savoie, une sorte de prisonnier politique, alors que la grande Sarah Williams héritera de celui de dur à cuire interprété par Jeff Hall. «C’est cocasse, s’exclame-t-elle. Ginette Laurin avait l’habitude de me confier des personnages plutôt tough. Dans Bagne, je suis la douce du duo, celle qui a besoin d’amour et qui tente de percer la carapace de l’autre.»

Son défi: «Trouver le ton juste sans tomber dans la caricature.» Puis, livrer une interprétation personnelle en gardant ses distances par rapport à l’interprétation d’origine. «Au début, ce n’était pas évident. Pierre-Paul et Jeff nous tenaient à l’oil, un peu trop à notre goût, dit-elle en riant. On a dû mettre les choses au clair et prendre notre place.»

Histoire de s’imprégner de l’atmosphère du milieu carcéral, le duo dansera la chorégraphie devant des détenus de la prison de Bordeaux, dans le Nord de la ville. «Pierre-Paul et Jeff l’avaient fait il y a quelques années, et cela avait modifié leur interprétation. On voulait aller dans une prison féminine, mais notre projet a été refusé.»

Malgré sa longue expérience de scène, Carole Courtois se dit nerveuse à l’idée d’occuper la scène du Monument-National en compagnie d’une seule partenaire. «Jusqu’à présent, j’avais surtout l’habitude de danser en groupe. Etre presque seule sur scène, c’est plus de responsabilités. Si le spectacle ne lève pas, c’est davantage de ta faute…»
Du 1er décembre au 12 décembre, au Monument-National

Visite romande
Elle est jeune, et pleine d’avenir. La compagnie de danse contemporaine suisse-romande Linga est de passage pour la première fois à Montréal. Sa cofondatrice, chorégraphe et danseuse, Katarzyna Gdaniec, fut l’une des principales interprètes de la compagnie de Maurice Béjart pendant les années quatre-vingt. A la salle du Gesù, la semaine prochaine, sa troupe livrera une ouvre portant sur le nouveau millénaire et les aléas de la communication. Les critiques européennes soulignent «l’esthétisme absolu» et «l’humeur plutôt sombre». A découvrir. Du 1er au 5 décembre. Au Gesù.