Un éléphant dans le cour : La ménagerie de vers
Scène

Un éléphant dans le cour : La ménagerie de vers

Une rimbambelle de fous, comme le chantait La Ribouldingue, vient clore l’année à la Maison Théâtre! Un célibataire réfractaire à toute intrusion dans son petit monde hyper rangé, où il entretient une relation exclusive avec son poisson rouge; une pimpante et vulubile concierge qui roucoule d’amour pour le précédent, en vers s’il vous plaît (parce que c’est si beau, quand les mots deviennent des chansons); et, au beau milieu, une immense demoiselle éléphant rose… qui chante sur un air arabe en battant des faux cils!
Il y a dans ce spectacle du Théâtre des Confettis, signé Jean-Frédéric Messier, un certain esprit des classiques émissions jeunesse de Radio-Canada: par la fraîcheur du ton, le parti pris pour l’absurdité et la douce folie.

Le décor aux dimensions légèrement tordues, où cohabitent objets réels et dessinés, et où se mêlent, avec un mauvais goût recherché, plusieurs textures de préfini, participe de cette fantaisie. Dans ses costumes et sa scénographie, Marie-Claude Pelletier accentue à plaisir le contraste entre l’univers terne et beige d’Augustin Gagnant, et l’explosion de couleurs qui marque les entrées de la pimpante mademoiselle Lou, tout de rouge, de rose et de jaune vêtue, tel un bouquet de fleurs trop odorant dans une pièce qui sent le renfermé.

Mais la petite vie et le petit intérieur vieillot d’Augustin, où trônent sa collection d’annuaires téléphoniques (paradoxe de celui qui n’aime pas les gens) et ses cassettes de sons divers (il déteste la musique, qui titille les émotions), sont bientôt dérangés par une bien plus imposante présence: celle de l’éléphant Éléonore, qui défonce en pleine nuit le mur du salon et reste là, coincée à mi-corps, d’un rose «nanane» presque obscène dans le «drabe» décor d’Augustin, encombrante visiteuse qui, de surcroît, signale sa présence d’une voix ensorceleuse, qui monte dans des volutes de fumée! Cette sensuelle femelle, on l’imagine, fait perdre tous ses moyens au vieux garçon, qui tente en vain de l’évincer, comme d’ailleurs il ne pourra pas lutter longtemps contre l’amour envahissant son cour blindé.
Jean-Frédéric Messier se révèle, comme toujours, maître ès ambiance: le contraste est marqué entre le jour, où Augustin contrôle son petit univers, et la nuit, où son amour le tourmente. Les éclairages de Sonoyo Nishikawa (qui a travaillé avec Lepage pour Les Sept Branches de la rivière Ota) se font complices de cette réussite.

Dans les rôles d’Augustin et de Lou, Pierre-François Legendre et Marie-France Duquette adoptent un jeu comique très fin. L’ermite, dont on se moque d’abord, révèle peu à peu sa vulnérabilité, grâce au charme contagieux de sa voisine. Quant à Éléonore, elle est proprement irrésistible!

On peut se réjouir de la cohésion du travail de Messier au texte, à la mise en scène et à la musique. Les chansons s’intègrent parfaitement à la trame narrative, jouant un peu le rôle d’exutoire des émotions, comme dans les comédies musicales, puisque Éléonore exprime, par ses chants d’amour langoureux ou ses cha-cha-cha, ce que la timidité empêche son hôte de déclarer à mademoiselle Lou.

Avec cette première ouvre pour les enfants, Jean-Frédéric Messier livre un show digne de ce nom, qui séduit tout son public, petit et grand.

Jusqu’au 20 décembre
A la Maison Théâtre