Il y a bien des angles d’observation possibles lorsq’on décide de jeter un regard global sur une année de théâtre: émergence de nouveaux talents, confirmation de certains autres, parole que l’on s’approprie et façon dont on la met en scène, etc. Pour ce qui est de 1998, on peut notamment parler de conjugaison au féminin du fait théâtral. Hasard, air du temps ou tendance ferme, l1avenir nous le dira. Reste que les signatures féminines à la mise en scène se sont faites plus présentes que jamais et que l1on parle de plus en plus de certaines jeunes auteures qui devraient s1approprier leurs espaces propres dans les années à venir. Pensons à Isabelle Hubert, Marie-Eve Gagnon, Anne-Marie Olivier, Marie-Josée Bastien et Marie-Christine Lê-Huu, pour n1en nommer que quelques-unes.
Je vois déjà quelques sourcils masculins soulevés en point mi-interrogatif, mi-dubitatif. Pourquoi s1arrêter à quantifier les créations des femmes, à en faire le minutieux décompte? Le milieu des arts n1en est-il pas un où l1ouverture d1esprit et l1égalité sont omniprésentes? Ouais, peut-être bien, mais la prise de parole signifiante et constante de la part des femmes est un fait relativement récent. Elles ont beau sortir en nombre majoritaire des écoles de théâtre, les femmes ont longtemps été, sauf rares exceptions, soumises au fade triumvirat soubrette-jeune-première-douairière! Et c1est au bénéfice de tout le milieu que l1imaginaire spécifique des femmes fait son nid. Et laissons de côté s1il-vous-plaît le caractère «tellement sensible» des femmes ainsi que leur émotivité «légendaire»… On parlera plutôt de différence de point de vue, d1irrévérence nouvelle et de compréhension autre.
L1an 98 débutait de belle façon avec la nomination de la première femme directrice artistique de l1histoire du Trident, Marie-Thérèse Fortin. Elle se termine avec l1arrivée de Marie-Josée Miville-Deschênes à la barre du Périscope. Et Marie Gignac et Brigitte Haentjens se partagent toujours le poste au Carrefour international de théâtre de Québec. Côté mise en scène, rappelons-nous Françoise Faucher et son classique Andromaque, Alice Ronfard et son éclaté Yvonne, princesse de Bourgogne, Lise Castonguay et son rigolo-poétique Sirènes, Lorraine Côté et son tour de force La Demande d1emploi, Nancy Bernier et son grand effort Rose. Plus récemment, on a eu droit aux Femmes savantes vues par Christiane Pasquier, à Première Jeunesse brillamment orchestré par Marie-Eve Gagnon et aux Comédies françaises coquinement harmonisées par Lorraine Côté. Cette dernière nous a aussi servi en rappel son débridé Candide. La plume de Marie-Christine Lê-Huu a fait mouche avec Les Enrobantes, ainsi qu1avec Éros. On a pu entrevoir de quoi demain serait fait avec la lecture de textes d1Isabelle Hubert et de Marie-Eve Gagnon dans le cadre de l1événement Nouveaux dramaturges chez Premier Acte. Et on termine l1année avec le retour des Trois S|urs dans Inventaires. Pas mal du tout. Bien sûr, il y eut d1excellents coups du côté masculin; la nomenclature précédente n1enlevant rien aux Nadeau, Champagne, Saucier, Robinson, Lepage et autres bons et beaux bonshommes!