Les Mains d'Edwige au moment de la naissance : La cérémonie des aveux
Scène

Les Mains d’Edwige au moment de la naissance : La cérémonie des aveux

De Willy Protagoras à Littoral, l’ouvre, encore fort jeune, de Wajdi Mouawad est traversée par une grande quête, d’identité, d’absolu, de spiritualité. Car ce jeune homme en colère, volontiers révolté, est aussi un être de foi qui n’a de cesse d’interroger le sens du monde. Une quête qui transparaît encore plus clairement dans Les Mains d’Edwige au moment de la naissance, troisième pièce de Mouawad à être créée en moins de deux ans. C’est le sens qui occupe toute l’avant-scène dans ce théâtre en forme de cérémonial, truffé de références religieuses. Quitte à ce que la force dramatique de la pièce en souffre un peu.

Antérieur de quelques années à Littoral, le texte est encore érigé sur une figure d’adolescent qui refuse les compromis exigés par sa famille; sauf que, cette fois, elle finira par s’ouvrir au monde. Edwige la miraculée (Violette Chauveau) apparaît telle une véritable figure christique, en butte à un monde enlisé dans le matérialisme et les convenances. Son entourage ne cherche qu’à profiter de son don: la mère désire sauver les apparences, le père (Jean-Pierre Chartrand) veut la paix, le frère (Stéphane Brulotte) ne rêve que de faire la piastre pour s’échapper de cette maison-prison isolée. Comme l’a fait Esther (Maude Guérin), la grande sour inopinément revenue après dix ans d’absence, juste au moment où la famille s’apprêtait à célébrer ses funérailles. Mais Esther donnera plutôt la vie…

Étrange ouvre de rédemption, où Edwige prêche dans la cave, où un bébé viendra présider à une réconciliation, où les personnages, certains de détenir la vérité, discourent plus qu’ils ne se confrontent. La pièce apparaît donc un peu trop lourde et monolithique, moins complexe que les autres, qui brassaient tant de thèmes, plus naïve, quasi orpheline de cet humour qui donne un tonus si particulier au théâtre de Mouawad, et qui équilibre son contenu à haute teneur calorique.

Pourtant, le caractère répétitif de ce rituel de la parole créerait plutôt un rythme poétique. Et le texte est traversé de perles fulgurantes à la manière Wajdi: le monologue d’Esther, où érotisme et mysticisme se rejoignent dans l’absolu, les aveux déchirants de la mère, incarnée magnifiquement par Marthe Turgeon. Le spectacle est soutenu par de bons comédiens (bien que Violette Chauveau semble un peu contrainte dans ce rôle unidimensionnel) et sobrement célébré par André Brassard, dont la mise en scène ancre toutefois le texte dans ce côté liturgique qui l’empèse.

Pour Wajdi Mouawad comme pour son héroïne, Les Mains d’Edwige sonnait la fin de l’enfance. Car Edwige, c’est un peu Wajdi, lui qui reste fidèle à sa voie, à sa vérité, à ses croyances, où qu’elles le conduisent. Attendons de voir la prochaine étape.

Au Théâtre d’Aujourd’hui
Jusqu’au 13 février
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