La Princesse blanche : Mots à maux
Disons-le d’emblée: il y a des ouvres plus faciles auxquelles se mesurer, pour une jeune troupe, que La Princesse blanche… Écrite en 1899, la pièce, sans réelle montée dramatique, de Rainer Maria Rilke, ressemble plutôt à une réflexion dialoguée sur les thèmes fétiches de l’auteur des Lettres à un jeune poète: la mort, l’amour, la solitude. Un univers exigeant, quelque part entre le rêve et l’abandon, qui passe difficilement la rampe et demeure curieusement désincarné dans le spectacle très composé que lui consacrent les Productions Nathalie Barabé, une comédienne à qui l’on doit déjà Parfum de soufre et La Noïa.
La metteure en scène a planté cette Princesse blanche (Anie Pascale, toute de noir vêtue!), qui attend l’amour, dans un climat oppressant ayant la lenteur somnambulique d’un rêve, comme suspendu dans le temps. D’une pureté immaculée, l’environnement scénique (signé David Gaucher) est entouré d’ossements, à l’instar des personnages cernés par la mort, laquelle, pour Rilke, est intimement tricotée à la trame de la vie.
Avec sa bande sonore évocatrice et ses projections très zen de vagues sur toile blanche, le spectacle apparaît particulièrement dépouillé, mais aussi, à certains égards, hautement conceptuel… Ainsi, si l’utilisation d’un projecteur permet de remédier ingénieusement à l’emploi d’un seul comédien pour jouer plus d’un personnage secondaire (la première figure masculine n’apparaît qu’en ombre chinoise, derrière un cadre), les images vidéo n’ont pas toutes la même pertinence. Que dire de l’apparition de fruits pourris pendant qu’un messager (Sébastien Ventura) annonce la terrifiante avancée de la peste, sinon qu’on nage là dans un «symbolisme 101», totalement superflu?
Un peu de simplicité aurait été bienvenu. Surtout du côté de l’interprétation, campée dans une posture rigide, qui oscille entre une lenteur hiératique – ton général de la pièce – et, parfois, un emportement inutile. Nathalie Barabé, surtout, s’avère carrément fausse dans le rôle de la jeune sour. Anie Pascale, à tout le moins, demeure assez stable dans la note voulue: un rythme exsangue, question de traduire le poids de l’attente, et la mort en latence.
Mais l’immobilisme qui fige l’interprétation, surimposé au verbe déjà métaphorique de Rilke, confère à l’ensemble un petit côté ampoulé et suranné qui ne sert pas les beaux mots de l’écrivain. Et la réussite paradoxale de ce court spectacle qui semble ne pas avancer est, peut-être, de rendre si tangible l’attente, qu’elle nous pèse aussi à nous, spectateurs…
Au Théâtre Intime de l’Espace La VeilléeJusqu’au 30 janvier