L’Atlantide : Le temps suspendu
Sous l’apparence anodine de son histoire d’amour entre un touriste canadien et une Grecque esseulée, L’Atlantide pose, d’emblée, deux défis scéniques: comment suggérer la puissance de leur relation, alors même qu’ils ne se regardent jamais, chacun y allant de son monologue? Et comment rendre compte, via un torrent de paroles, principal instrument des interprètes, de cette union qui s’épanouit dans un silence éloquent, ce silence où «il y a plus de vérité que dans n’importe quel mot»?
Les deux protagonistes de L’Atlantide portent chacun un secret, inaccessible à l’autre. Ben (Germain Houde) a fui on ne sait quel lourd drame, et réapprend lentement à vivre au contact sensoriel de l’île de Santorin, et des étranges sculptures qu’il façonne dans le bois. Mircea (Marie Tifo) a été sacrée madone du petit village, qui la vénère autant qu’il l’emprisonne dans ce rôle étouffant. Tous deux vivront une passion d’autant plus forte qu’elle se nourrit au sacré, et, peut-être, qu’elle prend racine dans un autre temps. Dans cet Atlantide qui dort sous leurs pieds, comme le symbole du caractère divin de la passion, et le rappel d’un idéal absolu qui n’a plus cours dans le monde d’aujourd’hui…
Sous la simplicité des mots, la pièce au rythme lent de la Canadienne Maureen Hunter suggère des mondes enfouis, marie le spirituel au charnel. Le spectacle mis en scène par Olivier Reichenbach, qui a un pied dans le réalisme, sert plus ou moins ce texte sensoriel, chargé de mystère et d’images mythiques un peu grosses. La production ne lève pas toujours, malgré le talent des concepteurs à la barre.
La scène, sorte de caverne sombre, manque ainsi de cette sensualité lumineuse que devrait exsuder l’endroit. Plutôt dérangeant, ce jeu d’allers et retours des personnages à la porte du fond – comme si l’on avait eu peur du statisme… Pareillement, l’utilisation de noirs, pour découper certaines scènes, sonne presque comme une intrusion dans cet univers intimiste, tablant sur l’évocation.
C’est la sobriété qui sied le mieux à ce petit spectacle. Celle de Germain Houde, par exemple, dont l’interprétation, tout en simplicité, émouvante et charnelle, atteint à une grande justesse. Un jeu d’autant plus fort qu’il est direct, dépouillé de fioritures, misant sur la présence du conteur. Si elle «joue» davantage, Marie Tifo incarne une ardente Mircea, avec toute la passion qu’on lui connaît.
Ils ont beau être moins convaincants lors des élans «mystiques» finaux, talon d’Achille du spectacle, c’est le jeu allumé des deux comédiens qui transcende un peu cette production imparfaite.
A La LicorneJusqu’au 6 février