Roger Sinha : Un jardin de givre
Scène

Roger Sinha : Un jardin de givre

Avec Glace noire, une chorégraphie sur le phénomène de la dépendance, ROGER SINHA poursuit un travail qui puise son inspiration dans l’intime et le quotidien.

En danse, il y a autant de sources d’inspiration que de chorégraphes. Roger Sinha puise généralement ses idées dans sa vie personnelle. Burning Skin, le solo qui l’a fait connaître il y a quelques années, traitait de sa difficile acceptation de ses origines indiennes. Glace noire, sa dernière ouvre de groupe, présentée du 3 au 13 février à l’Agora de la danse, s’inspire, elle, de son obsession du travail. Dépendance, quand tu nous tiens!

«Il y a quelques années, j’ai vécu une dépression. Un jour, j’ai accepté la proposition d’un ami de prendre de l’ecstasy. Les effets ont d’abord été terribles puis extraordinaires. Je flottais sur un nuage. J’ai alors compris qu’on pouvait vite en devenir dépendant», explique-t-il.

Le titre de la pièce évoque, outre l’héroïne, la noirceur que l’on porte en soi lors des périodes difficiles de l’existence. Présentée comme spectacle d’ouverture à la dernière édition du Festival Danse Canada, en juin dernier, la chorégraphie fut accueillie assez froidement, ce qui n’a pas surpris Sinha. «J’ai monté cette pièce en l’espace de six mois, ce qui est beaucoup trop court. J’avais de bonnes idées mais pas de vision», confie-t-il.

Depuis, il a eu le temps de réfléchir sur son travail. Il a remanié la première partie du spectacle, qu’il trouvait trop sombre à son goût. «Il fallait que je parle du plaisir ressenti dans la dépendance.» Il s’est aussi attardé à la structure chorégraphique, la principale faiblesse de sa création notée par les critiques et des collègues du milieu de la danse. Et, enfin, il a imposé sa signature.

Au cours des dernières années, Roger Sinha a touché à la danse théâtrale comme à la danse formaliste (Le Jardin des vapeurs en est un exemple) avec un égal succès. «Glace noire est devenue plus théâtrale qu’abstraite. C’est dans l’utilisation d’accessoires et de thématiques que je suis le plus à mon aise», confie-t-il. La distribution de la pièce a aussi changé de visage. Catherine Viau remplace Isabelle Poirier qui y tenait le premier rôle. Pour le reste, Roger Sinha n’a fait que peaufiner. «J’ai appris à aller à fond dans mes idées, quoi qu’en disent les critiques. Je sais que la partie n’est pas gagnée, et que j’ai des choses à prouver. L’important, c’est de rester honnête avec soi-même.»

Du 3 au 13 févrierA l’Agora de la danse

Urbania Box

Le dernier spectacle de la chorégraphe Louise Bédard démontre que cette dernière n’a rien à faire des modes. A l’affiche de l’Agora de la danse jusqu’à samedi, Urbania Box je n’imagine rien est une danse plus singulière que fascinante, et remplie de symboles intrigants. Plus d’une fois le spectateur se questionne sur la signification de ce qu’on lui présente sous les yeux, comme cette robe bleue accrochée à un pan du décor et qui disparaît sans que l’on sache pourquoi. C’est sans doute là la plus grande faiblesse de ce spectacle qui dure une heure et demie.

Qu’on se le tienne pour dit: Urbania Box reste une soirée exigeante d’une tout autre nature que Cartes postales pour Chimère, la précédente création de Louise Bédard qui avait fait l’unanimité parmi les critiques et le public, il y a deux ans. Outre l’utilisation de symboles souvent incompréhensibles, les costumes pour le moins bizarres, comme ces pantalons roulés jusqu’à l’aine, que portent les danseurs au début du spectacle, n’aident en rien à l’appréciation de la chorégraphie.

Au moment où de plus en plus de chorégraphes souhaitent joindre un large public, Louise Bédard, qui dit aussi partager cet intérêt, y parvient parfois grâce à la performance des six danseurs. Soulignons l’extraordinaire interprétation d’AnneBruce Falconer dont les mouvements traduisent une fragilité et une légèreté proches de l’interprétation de la chorégraphe dans son interprétation pour Cartes postales pour Chimère. Mentionnons aussi la présence du comédien Guy Trifiro, danseur à ses heures, qui ajoute une touche de fantaisie à l’univers clair-obscur d’Urbania Box.

Pour le reste, le spectateur sera sans doute souvent ébloui par la complexité de la gestuelle qui ne ressemble à aucune autre et qui exploite chaque partie du corps avec intelligence et originalité. Ici, une danseuse assise sur un tabouret encercle soudainement son nez avec un doigt. Là, la troupe agite frénétiquement les doigts en direction du ciel.

Finalement, on a l’impression que chaque séquence chorégraphique est un spectacle en soi. A voir pour le plaisir de découvrir une signature inédite.

Jusqu’au 30 janvierA l’Agora de la danse