Des souris et des hommes : La souricière
Pauvres Alexis Martin et Pierre Lebeau! Les deux acteurs rêvaient de jouer George et Lennie, les protagonistes du drame américain de John Steinbeck, Des souris et des hommes. Aujourd’hui, leur rêve se réalise sur la scène du Théâtre Denise-Pelletier. Mais dans une production plutôt cauchemardesque, très longue (trois heures trente), et assez ennuyante.
Malgré leur bonne volonté, les acteurs arrivent difficilement à faire passer l’humanité et la modernité de l’ouvre, créée à New York, en 1937, alors que les États-Unis se relevaient de la plus grande crise économique de leur histoire. Les deux comédiens ont demandé à l’acteur Pierre Collin de signer la mise en scène. Là commencent leurs problèmes…Car, à ce titre, Collin manque visiblement d’expérience. Il aurait dû couper davantage dans le texte, ramasser les scènes afin de soutenir le rythme, ou encore proposer une relecture.
Au contraire, le metteur en scène a décidé de coller à la facture naturaliste et démodée de la pièce (certains moments sont dignes de la ligue du vieux poêle). Rappelons que Des souris et des hommes a été créée à l’époque où les acteurs américains adhéraient de plus en plus à la méthode de jeu psychologique inspirée de Stanislavski. Or, en 1999, alors que le cinéma et la télévision surexposent ce type de jeu, sur scène, il distille souvent l’ennui.
Qui plus est, contrairement aux chefs-d’ouvre de Williams ou d’O’Neill, Des souris et des hommes vieillit mal. La pièce adaptée – de peine et de misère – par Steinbeck à partir de son propre roman multiplie les répétitions, les descriptions inutiles et les métaphores lourdes, au détriment de l’action dramatique. La traduction québécisante d’Yvan Bienvenue, avec ses «guidounes» et son «katchup» alourdit encore le texte.
Côté distribution, Alexis Martin est assez convaincant dans le rôle de George. Par contre, Pierre Lebeau surjoue Lennie, notamment dans sa gestuelle. Au bout du compte, la complicité entre les deux hommes – nécessaire pour illustrer leur solide et exigeante amitié – n’est qu’à moitié ressentie. Les choses se gâtent avec les acteurs de soutien. Si Benoît Girard et Paul Savoie livrent honnêtement la marchandise, Julie McClemens, par ailleurs bonne comédienne, rate complètement la cible!
D’autres interprètes sont tellement gauches et stéréotypés, qu’on se demande comment Collin peut leur demander de partager la même scène que des comédiens chevronnés…
Steinbeck est-il devenu «un auteur mineur», comparativement à ses contemporains, Faulkner et Hemingway? La question est pertinente. Si ses thèmes de la quête du bonheur et de la misère humaine demeurent universels, l’ouvre de Steinbeck détonne à l’époque de la globalisation. Au bout du compte, les exclus de la Grande Dépression, qui rêvaient de liberté en bossant comme des esclaves, sont bien loin des chômeurs actuels, qui rêvent de travailler sans trop savoir quoi faire de leur liberté…
Au Théâtre Denise-Pelletier
Jusqu’au 20 février