Profession: chantre de la culture féminine.
Ce titre, la dramaturge Jovette Marchessault n’a cessé de le défendre depuis 20 ans, trouvant souvent son inspiration dans le destin des grandes femmes créatrices. Anaïs Nin, Gabrielle Roy, Gertrude Stein ou Emily Carr ne sont que quelques-unes des «chercheuses d’âmes» qui ont revécu dans les pièces de Marchessault pour y revendiquer leur juste part de l’histoire.
Héléna Petrovna Blavatsky vient maintenant s’ajouter à cette liste sélecte, plus de cent ans après avoir rejoint le monde des esprits qui lui était si cher de son vivant. Cette grande bourlingueuse, musicienne, écrivaine, occultiste, magicienne et théosophe, qui alimenta les polémiques par ses explorations de l’univers paranormal, est la muse de la pièce Madame Blavatsky, spirite que Jovette Marchessault s’apprête à créer avec le Carré Théâtre de Longueuil.
«Ce qui était extraordinaire chez Héléna Blavatsky, c’était son sens de l’échange et de la gratuité, confie la dramaturge. Elle incarnait la joie de la connaissance et cherchait à la partager avec tous ceux qui croisaient sa route. Gandhi lui-même avouait qu’il avait été marqué par une rencontre avec elle. Dans sa jeunesse, alors qu’il étudiait en Angleterre et voyait l’Inde comme un «amas de superstitions», Blavatsky l’avait bouleversé en lui rappelant toute la richesse de la civilisation indienne, qu’elle connaissait bien. On sait la suite…»
Dans sa pièce, Jovette Marchessault évoque donc plusieurs rencontres qui ont jalonné le parcours initiatique de son héroïne russe (incarnée par Catherine Bégin), alors que les chamans et les sages guident sa quête spirituelle autour du globe. Cependant, la nature plus qu’excentrique de «Madame» Blavatsky est aussi dévoilée lors de fameuses séances de spiritisme qui attisent les cancans.
«C’était sa seule faiblesse: elle aimait épater la galerie en faisant étalage de ses dons de médium, poursuit l’auteure. Dans les salons de New York, elle faisait valser les tables et les chaises pour éblouir les gens. Par le fait même, elle prêtait le flanc aux critiques de l’establishment scientifique qui dénonçait ses écrits sur les phénomènes paranormaux, l’invisible et l’inconscient.»
Traitée de fumiste et de mystificatrice aux mours douteuses, essuyant les quolibets à cause de son physique opulent – elle disait elle-même: «j’ai l’élégance d’un hippopotame hors de l’eau!» -, Héléna Blavatsky était de toute évidence une cible de choix pour une société qui refusait de voir une femme indépendante chambouler ses conventions et ses certitudes.
Sur scène, Anouk Simard, Robert Lavoie, Paul Dion et Michel-André Cardin camperont tour à tour les détracteurs et les mentors de la chère Héléna, pour qui Jovette Marchessault a trouvé une interprète sur mesure en Catherine Bégin. «Elle a le talent, le coffre et l’ouverture d’esprit qu’il faut pour interpréter quelqu’un d’aussi original. Mais surtout, elle a l’expérience de la vie, tout en gardant l’enthousiasme d’une comédienne de 20 ans.»
Élaborée en toute collégialité par les interprètes, les concepteurs et le metteur en scène Daniel Simard, Madame Blavatsky, spirite se déroulera dans un décor économe de Claude Goyette. Divers accessoires évoqueront les lieux visités par cette infatigable globe-trotter, alors que les jeux d’ombres et de lumières de l’éclairagiste Luc Prairie suggéreront un univers où le visible et l’invisible ne cessent de se répondre.
«Dans ma pièce, ce que je veux transmettre, c’est un peu d’espoir et de lumière, conclut Jovette Marchessault. Comme Héléna Blavatsky, je crois que l’humanité a un avenir malgré tous les maux qui l’affligent. Et je crois également aux esprits qui se réincarnent pour veiller sur les humains.»
Quelques décennies après sa mort, Madame Blavatsky a peut-être trouvé en une dramaturge québécoise le sujet idéal pour se réincarner…
Du 11 au 27 février
A l’Espace La Veillée
Du 3 au 6 mars
Au Théâtre de la Ville à Longueuil