Scène

Madame Blavatsky, spirite : Jeu d’esprits

Madame Blavatsky avait tout du personnage romanesque «plus grand que nature». Et, que l’on y croie ou non, on comprend que son étonnant parcours ait fasciné Jovette Marchessault, jadis la biographe scénique des Emily Carr, Violette Leduc, Anaïs Nin. Occultiste controversée, grande érudite, féministe et internationaliste avant l’heure, passionnée de religions orientales, maîtresse femme, elle a plaqué un vieil époux pour parcourir le monde, elle a conversé avec les esprits, copiné avec la comtesse de Ségur, et influencé Gandhi. En bref, la dame mena son destin à sa manière, guidée seulement par sa quête spirituelle et sa soif de connaissances.

Tout ça se retrouve en condensé dans Madame Blavatsky, spirite, qui embrasse sans guère de restrictions le point de vue de l’occultiste: les périples et les controverses, les séances de spiritisme et la rédaction de livres, les alliances et les trahisons, la quête et les révélations… Mélange détonnant de réalisme et d’ésotérisme, le texte de Jovette Marchessault, qui, par ailleurs, scintille parfois d’une indéniable richesse poétique (dans ses plongées spirituelles, notamment), possède un peu les défauts des pièces biographiques: une sorte de dispersement anecdotique. Parcours obligé de scènes chronologiques, qui ne manque pas de temps forts mais qui tourne un peu les coins ronds. Sous ses étranges manifestations (les esprits qui apparaissent derrière un miroir sans tain), la pièce demeure assez conventionnelle dans sa forme, finalement.

Cet itinéraire épuisant, qui nous promène du Tibet à l’Inde, de chaman en gourou, exige des acteurs qu’ils se démultiplient et empruntent différents accents. C’est surtout là que le bât blesse… La production du Carré-Théâtre, mise en scène par Daniel Simard, souffre de problèmes d’interprétation et de direction. A ce jeu de compositions, Michel-André Cardin s’en tire un peu mieux que ses comparses Anouk Simard, Paul Dion et Robert Lavoie. Les personnages secondaires «réalistes» apparaissent souvent grossièrement dessinés, des silhouettes à la couleur caricaturale, plongées dans des situations dont les enjeux sont exposés de façon plutôt simpliste.

Catherine Bégin montre plus de tonus en Madame Blavatsky, une femme très forte à la démarche lourde. La comédienne a de la truculence et de l’emportement, voire de la brusquerie. Une prestation convaincante, peut-être limitée par le déficit d’intériorité du spectacle. A défaut de remettre en question le personnage éponyme, on aurait sans doute eu avantage à le fouiller plus en profondeur, plutôt que de multiplier les personnages. Sa voix d’outre-tombe n’en aurait que mieux résonné…

A l’Espace La Veillée
Jusqu’au 27 février