Soirée Tchekhov : Farces à part
Scène

Soirée Tchekhov : Farces à part

Alors qu’une bande de comédiens montréalais fait courir les foules avec un «spectacle réflexion» sur l’univers tchékhovien – l’excellent Je suis une mouette (non ce n’est pas ça) monté par Serge Denoncourt -, une sympathique troupe ontarienne débarque chez nous pour célébrer l’humour incisif des comédies de jeunesse du grand Anton.

Ainsi, jusqu’à la fin du mois, le Théâtre français de Toronto s’installe à la Salle Fred-Barry pour nous présenter une Soirée Tchekhov particulièrement pétulante, composée de quatre courtes pièces mises en scène par Jean-Stéphane Roy.

A première vue, Tragédien malgré lui, Une demande en mariage, Les Méfaits du Tabac et L’Ours sont des saynètes en un acte qui s’harmonisent tout naturellement avec le traitement vaudevillesque et débridé privilégié par Roy et ses ouailles. Cependant, en négligeant parfois la profondeur psychologique et le pathétique qui couvent toujours sous l’humour absurde de l’auteur russe, cette production nous laisse un peu sur notre faim…

Le spectacle s’ouvre d’ailleurs dans le burlesque consommé avec Tragédien malgré lui. L’ouvre met en scène un fonctionnaire dont tout le monde abuse (Guy Mignault, savoureux dans sa paranoïa délirante) qui menace de se suicider avant d’être accablé davantage par un ami (Olivier L’Écuyer, placide et pervers à la fois). Avec leurs mimiques bouffonnes et leurs éructations – on ânonne même des «hi-han» pour souligner le dérisoire – les deux comédiens provoquent des rires et des sourires, mais au détriment d’une intériorité qu’on cherche en vain.

Dans Une demande en mariage, Colombe Demers est tour à tour innocente, aguichante, colérique et boudeuse dans la peau d’une jeune campagnarde qui enguirlande son prétendant (L’Écuyer, en hypocondriaque) pour une chicane de clôture. L’affrontement, boulevardier lui aussi, exprime bien la volatilité des sentiments humains. Ici, cependant, une progression dramatique un peu plus graduelle nous aurait gardés davantage sur le bout de notre siège.

Le moment fort du spectacle vient ensuite avec Les Méfaits du tabac où Guy Mignault rend poignant son personnage de pseudo-conférencier qui révèle, en aparté, le drame de sa vie conjugale. Avec intériorité, Mignault réussit pleinement à fusionner le drame et le dérisoire, dans un règlement de comptes avec la condition humaine qui atteint une dimension intemporelle.

Enfin, L’Ours met en scène une veuve apparemment inconsolable qui finit par succomber à l’impétuosité virile d’un créancier mal léché. Colombe Demers et Olivier L’Écuyer charment par le trouble qu’ils induisent dans le discours de leurs belligérants, mais – encore une fois – la surenchère comique finit par affaiblir l’humour plutôt que de le servir.

Dans un décor sobre de Glenn Davidson qui évoque la façade d’une datcha, cette production franco-torontoise nous fait donc passer une soirée qui divertit à plus d’un titre, mais qui nous prive souvent de la réflexion et du regard empathique que Tchekhov posait déjà, dans ses ouvres de jeunesse, sur ses frères humains…

Jusqu’au 27 février
A la Salle Fred-Barry