Scène

Les Frères Karamazov :  

Pas évident de transposer l’univers dostoïevskien sur scène, en particulier celui des Frères Karamazov. Chaque personnage porte en lui une complexité et une dualité abyssales. Une profondeur dans laquelle on aurait envie de plonger tête première. L’adaptation de Jacques Copeau et Jean Croué peut nous laisser sur notre appétit. Mais pouvait-il en être autrement, vu l’ampleur et la densité de l’ouvre? Pas sûr… Le travail de mise en scène de Reynald Robinson a le mérite de ne pas essayer de brouiller les pistes. Une sobriété qui, sans sublimer le texte, ne le trahit point, ni dans sa forme, ni dans son essence. Un parcours jalonné de pièges que metteur en scène et comédiens évitent de façon intelligente et sensible. C’est déjà beaucoup compte tenu du périlleux de l’entreprise.

Campée dans un décor simple, l’action se déroule rondement. On ne tombe pas dans l’excessif du lyrisme. Les frères, si différents mais tous Karamazov, argumentent et exposent leurs points de vue dans des dialogues bien adaptés à la scène. Le propos ne se dénature pas au contact du vivant; il est tout simplement moins introspectif. Et si l’exercice donne envie au spectateur d’aller lire ou relire le roman, tant mieux!

L’environnement musical en direct fait de cordes instrumentales et vocales donne à l’ensemble une intimité et une texture fort intéressantes. Les comédiens réussissent en général à bien incarner la parole de Dostoïevski, particulièrement Jean-Sébastien Ouellette en Ivan et Normand Daneau en Aliocha. En somme, du beau et bon travail.