Scène

Ça : Bonheurs d’occasion

Qu’est-ce qui reste à de jeunes comédiens que le besoin de s’exprimer démange, après quatre années d’école de théâtre? Mais la création collective, pardi! Ce reliquat des années 70 est toujours en faveur auprès de petites troupes, qui y voient un moyen d’affirmer leur voix.

Ça, un autogéré présenté à La Petite Licorne, est né de cette volonté d’affirmation et de rassemblement. Plutôt qu’un spectacle, ce projet en forme de «pulsion inconsciente» propose une prise de parole directe, entre le conte, le monologue et le jeu. Comme l’empreinte laissée par le texte qu’ils ont écrit mais qu’on ne verra pas, et dont le quatuor a seulement conservé les thèmes, les «impressions que la pièce a inspirées à chacun des participants». Au public à faire les liens, à inventer une sauce commune.

Le «metteur en scène» Jean-Stéphane Roy (il se qualifie plutôt de «guide») a privilégié le minimum d’artifices. Dans une atmosphère drôlement conviviale et décontractée, qui nie carrément le quatrième mur (d’autant plus que la représentation à laquelle j’ai assisté était paquetée de familiers des acteurs) et remet en cause la notion de jeu, les quatre comédiens, chacun planté sur une chaise typique, parlent à tour de rôle. Dans cet exercice qui se veut révélateur de la personnalité de chacun, les tons employés diffèrent énormément, mais tous les textes tournent autour des fantasmes, des relations entre les sexes, ou de l’amour. Et tous, ou presque, mettent en scène une… sirène, cette créature de rêve, figure féminine conquérante, au pouvoir séducteur dangereux.

Ainsi, Sophie Labelle se mesure à cette image avec un bel humour, dans un monologue sur sa difficile condition de femme «insatisfaite de son sort». Marie-Claude Marleau s’est plutôt glissée dans la peau d’un personnage, pour discourir avec ferveur de l’amour impossible.

Pour sa part, Louis-David Morasse emprunte le langage – et l’harmonica – des conteurs d’antan pour envoyer avec beaucoup de verve un conte pas du tout urbain de mort, d’amour… et de sirène. Ce qu’affirme d’emblée ne pas être Fanie Lavigne, qui pose plutôt en fille pas compliquée. Son texte très terre à terre et ancré dans la quotidienneté contraste avec le reste, teinté à divers degrés d’une couleur mythique. Si elle démontre une drôlerie manifeste et une spontanéité désarmante, cette énumération des fantasmes qu’elle a – ou qu’elle n’a pas- , et des petits bonheurs de la vie, semble parfois trop collée au réel. Trop anecdotique, plus proche du stand up que du théâtre.

L’ensemble dessine une soirée étrangement hétérogène, toute simple, inachevée, qui décline quelque chose comme la difficulté et la douceur de l’amour au temps du féminisme.

Jusqu’au 20 marsA la Petite LicorneVoir calendrier Théâtre