Annik Hamel : À tour de rôle
Scène

Annik Hamel : À tour de rôle

Dans le cadre du Projet interprètes 11 de Danse-Cité, ANNIK HAMEL a fait appel à trois chorégraphes pour concevoir C’est l’histoire d’une femme. Un spectacle dans lequel le monde du théâtre se mêle à celui de la danse. Et vice versa.

Adolescente, Annik Hamel rêvait de devenir comédienne, mais c’est la danse qui a emporté la partie. Son goût pour le théâtre ne s’est pas évanoui pour autant. Au cours des dernières années, la danseuse a fréquenté les théâtres, suivi des stages d’interprétation, et même tenu un rôle secondaire dans le film Erreur sur la personne, de Gilles Noël.

Cet hiver, Danse-Cité lui a donné l’occasion d’inviter des chorégraphes de son choix pour qu’ils la fassent danser. Elle a jeté son dévolu sur deux metteurs en scène et un chorégraphe. Et devinez quoi? C’est le chorégraphe qui lui a demandé de tenir un rôle. Le monde à l’envers.

«À l’origine, je leur ai demandé naïvement de me mettre des mots dans la bouche», se souvient-elle. Seul le chorégraphe José Navas a répondu à son désir. Les metteurs en scène Paula de Vasconcelos et Wajdi Mouawad ont préféré, eux, s’investir dans leur rôle de chorégraphe jusqu’au bout.

Pour Paula de Vasconcelos, la marche à gravir était à sa portée. La directrice de la compagnie Pigeons International fait danser ses comédiens depuis longtemps déjà. De plus, on peut voir présentement à l’Usine C l’une de ses ouvres chorégraphiques dansée par Montréal Danse (Lettre d’amour pour Tarentino). Annik Hamel, qui fait partie de Montréal Danse depuis 12 ans, est impressionnée par la vision artistique de cette metteure en scène à cheval entre la danse et le théâtre. «C’est une femme déterminée qui suggère des images fortes et différentes. Et qui n’a pas peur de se renouveler», prend-elle soin d’ajouter.

Paula de Vasconcelos signe une chorégraphie sombre portant sur la relation entre deux sours dont l’univers est diamétralement opposé à celui de Lettre d’amour pour Tarentino. Dans ce duo, la danseuse partage la scène avec une bonne amie, Anne Le Beau. «C’est la pièce la plus dramatique du programme. Elle parle de l’intimité des femmes», explique Annik Hamel.

Quant à l’auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad, c’est sa première incursion en danse. C’est en l’écoutant parler de son métier à la radio que la danseuse a eu l’idée de lui demander de chorégraphier. «Il dit que s’il avait dansé jeune, il aurait sans doute épousé la carrière de chorégraphe.» Comment, diable, un homme de théâtre peut-il improviser des mouvements sans même avoir déjà dansé ou étudié la danse? «Il l’a fait de façon très naïve, raconte la danseuse. Au début, il voulait une narration puis il s’est aperçu que cela faisait «cucul». Il s’est alors inspiré de sa façon de bouger. Cela donne quelque chose de fascinant et d’intrigant.»
Pour le duo de Wajdi Mouawad, Annik Hamel a pour partenaire le comédien-danseur Éric Bernier. Ce dernier a travaillé avec le metteur en scène Robert Lepage. Sa collaboration au projet Hamel a bousculé les méthodes de travail de la danseuse, plus habituée à respecter scrupuleusement les consignes des chorégraphes. «Il a l’habitude de s’engager à fond dans la création. Il n’hésite pas, par exemple, à donner son opinion, à contester.»

Évidemment, la danseuse ne s’est pas transformée en lionne du jour au lendemain. N’empêche qu’après avoir côtoyé des collègues de théâtre, elle tente aujourd’hui de mettre son grain de sel dans la création. Non sans hésitation: «José m’a souvent demandé mon opinion sur sa pièce, mais je ne savais trop quoi lui dire», avoue-t-elle dans un demi-sourire.

Pourtant, le solo qu’il lui a monté a de quoi faire délier les langues les plus silencieuses. «Je suis assise sur un minuscule tabouret, habillée d’une robe parsemée d’herbes et de fleurs, et je débite plein de mots en gesticulant rapidement. Le public reconnaîtra sans peine la signature de José (Navas). Les mouvements sont rapides, très cardio vasculaires.»

Après son projet, Annik retournera chez Montréal Danse, retrouver les siens. Concours de circonstances, la compagnie présente ces jours-ci des chorégraphies de Paula de Vasconcelos et de José Navas (un excellent spectacle, en passant). Pendant son absence, c’est Kathy Casey qui la remplacera. «Au début, je devais travailler avec trois femmes de théâtre: Pol Pelletier, Brigitte Heantjens et Paula de Vasconcelos. Puis, les événements ont pris une autre tangente. Chose certaine, j’avais besoin de travailler avec des gens de théâtre qui ont une vision différente du milieu de la danse.»

Et le résultat est-il à la mesure de ses attentes? «Je suis emballée. Ces metteurs en scène ont fait émerger le meilleur de moi-même.»

Du 17 au 20 et du 24 au 27 mars
À l’Agora de la danse
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