Gérard Potier : Le pays intérieur
Scène

Gérard Potier : Le pays intérieur

Issue de ces longues soirées d’hiver où il faisait bon se raconter des histoires à la lueur du poêle à bois, la veillée de contes connaît depuis quelques années un regain de popularité auprès d’une faune citadine en quête de rêve, de convivialité et d’émotions fortes.

Après les Contes urbains subversifs de la bande Urbi et Orbi et les «soirées de racontage» de Michel Faubert, c’est au tour du Français Gérard Potier de venir attiser notre imaginaire avec des récits inspirés de sa Vendée natale. Mais que les amateurs de patrimoine se le tiennent pour dit: dans son spectacle Beaux et courageux, Potier tourne résolument le dos aux histoires du terroir pour nous livrer une vision bien contemporaine des gens de son pays.

«Même si je suis un fils de paysan, en tant que conteur, j’en avais assez du folklore et des histoires de coin du feu, nous confie l’artiste vendéen. Je voulais montrer que les gens de chez nous ne pensent pas qu’à leurs récoltes ou à leurs tracteurs. Dans les contes que j’écris, le fils du paysan a des envies qui ne sont pas si différentes de celles du fils de l’homme d’affaires. De toute façon, les désirs sont sensiblement les mêmes, quelles que soient les classes. Seuls les costumes changent.»

Dans Beaux et courageux, un spectacle présenté plus de 350 fois à travers l’Europe francophone depuis six ans, Gérard Potier explore donc des thématiques qui transcendent les frontières sociales, culturelles ou géographiques. La non-communication dans le couple et la famille, les blessures de l’enfance, le rapport trouble au plaisir et le poids de la tradition sont autant de réalités qui frappent de plein fouet les héros du conteur. Et qui donnent à ses petits récits des allures de psychodrames…

«C’est vrai, mais voir mon spectacle, ça coûte moins cher que d’aller chez le psychothérapeute! lance Potier en riant. Plus sérieusement, ce que je souhaite, c’est d’amener les gens au coeur d’eux-mêmes. Si j’écris des textes assez "cogneurs", c’est parce que je trouve important d’appuyer là où ça fait mal, de temps en temps. Pour aller aux sources de nos pulsions et de nos violences. Mais, en même temps, j’y mets beaucoup d’humour, parce que c’est important de relativiser les choses. De constater qu’elles ne sont pas toujours si graves.»
Sur scène, pour apprivoiser son public, Gérard Potier a la réputation de se métamorphoser en une sorte de lutin sympathique. Avec son crâne rasé, ses envolées gestuelles et ses pas de danse rythmés par les musiques de son accordéoniste Gérard Baraton l’interprète ne correspond pas tout à fait à l’image statique qu’on se fait du conteur traditionnel.

«Je me vois d’abord comme un comédien qui raconte des histoires. J’incarne des personnages et j’essaie de faire oublier que je suis un conteur pour devenir une sorte de passeur entre la réalité et la fiction. Ça permet au spectateur d’entrer plus directement dans le récit.»
Dans quelques jours, Jean le séducteur agricole, Alice la toxicomane télévisuelle, et Tony le transgresseur d’interdits apparaîtront donc sur la scène de La Licorne grâce aux métamorphoses de leur créateur. Et si Gérard Potier atteint son but, ils nous ressembleront étrangement…

Jusqu’au 20 mars
À La Licorne
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