Ines Pérée et Inat Tendu : Paradis perdu
Scène

Ines Pérée et Inat Tendu : Paradis perdu

JEAN-PIERRE RONFARD met en scène Inès Pérée et Inat Tendu, une ouvre prémonitoire de RÉJEAN DUCHARME écrite en plein temps d’utopie.

L’homme entre dans la pièce et l’air ambiant s’emplit d’une énergie contagieuse. Il sourit et s’installe, disponible. Jean-Pierre Ronfard possède cette qualité propre aux êtres d’exception: le charisme. Celui qui fait que le regard se porte tout naturellement sur une personne pour ne plus la quitter. Celui qui donne envie de s’abreuver aux paroles de quelqu’un. Et la source est féconde et fascinante puisque celui qui dirige la prochaine production du Trident, Ines Pérée et Inat Tendu, a écrit quelques-unes des plus belles et des plus marquantes pages de l’histoire du théâtre au Québec.

Jean-Pierre Ronfard a d’abord été comédien puis professeur et metteur en scène en Europe, avant d’être invité à seconder Jean Gascon à la direction de la section française d’interprétation de la nouvelle École nationale de théâtre en 1960. Cet homme de culture et de sensibilité devint pour plusieurs acteurs une sorte de gourou. Il découvre Robert Gravel et Pol Pelletier, avec qui il fondera en 1975 le Théâtre Expérimental de Montréal, devenu le Nouveau Théâtre Expérimental en 1979 à la suite du départ de Pelletier. Libre créateur, non-conformiste et visionnaire, Jean-Pierre Ronfard traîne une feuille de route qui comprend les Vie et Mort du Roi Boiteux, Tête à tête, 50 et, plus récemment, Les Mots, exemple révélateur d’une recherche exploratoire sur certains aspects de l’art théâtral tels que les objets, la voix, le langage physique, la parole et le texte.

En 1978, Ronfard met en scène Ha! Ha! de Réjean Ducharme. «De mes aventures théâtrales, explique-t-il, c’est un des excellents souvenirs que je conserve. À mon avis, c’est une des fois où j’ai su le mieux travailler. L’idée de monter à nouveau un texte de Ducharme m’a fait extrêmement plaisir. J’ai d’abord pensé qu’il était possible de créer une nouvelle ouvre de l’auteur mais ce dernier m’a dit qu’il n’y en avait pas. Cela dit, Ines Pérée et Inat Tendu, comme tout le reste de l’ouvre de Ducharme, demeure un texte classique et, par le fait même, prémonitoire.» Parue en 1968, la pièce nous met en présence d’un garçon et d’une fille de vingt ans, des «adultes-enfants», partis à la recherche d’une terre promise où ils seront acceptés et aimés sans conditions. «À l’époque, Réjean Ducharme a prévu, comme un poète et non comme un futurologue ou un sociologue, un certain nombre de problèmes à venir tels que celui des s.d.f. [sans domicile fixe] et celui de la demande que les exclus adressent à ceux qui sont nantis. Il a prédit cela et l’a rendu sous forme poétique.» Un intense besoin d’amour qui mène au désespoir face à l’incapacité d’être reçu, le tout écrit dans le langage particulier qu’est celui de cet auteur ouvrant à l’écart de la scène publique. «La structure et la forme de la pièce sont éclatées. C’est une écriture de liberté, qui saute d’un niveau de langage à un autre, poursuit Jean-Pierre Ronfard. Le défi consiste à incarner des mots qui ne sont absolument pas ceux de la réalité de tous les jours. Il faut réussir à être vrai dans un langage artificiel, c’est-à-dire fabriqué avec art.» Le metteur en scène a choisi de situer cet univers, dénué de lignes narratives droites, au beau milieu des spectateurs. «Ça exige du comédien une concentration sur le jeu et non une ouverture vers le public. Dans une disposition centrale, chaque spectateur a sa vision du spectacle. Pour 400 personnes, il y aura 400 pièces», conclut le metteur en scène tout en soulignant sa volonté de créer une impression de chaleur qui, espère-t-il, accompagnera chaque spectateur au sortir de l’expérience. Évelyne Rompré (Ines Pérée) et Normand Poirier (Inat Tendu) seront entourés de Linda Laplante, Marie-France Duquette, Patric’ Saucier, Caroline Stephenson, Pierre-Yves Charbonneau et Marie-France Tanguay.

Du 16 mars au 10 avril
Au Grand Théâtre
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