Le Barbier de Séville : Cour léger
À sa sixième mise en scène au TNM en une douzaine d’années, René Richard Cyr signe avec Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile, de Beaumarchais, son spectacle le plus léger et le plus séduisant. Sans prétention aucune, Cyr a abordé ce classique – plus proche du vaudeville que de la tragédie grecque – avec le plaisir comme moteur principal de la production. Plaisir du jeu, de la repartie, de l’insolence et de l’intelligence du texte.
En mettant de l’avant ce côté ludique, l’équipe de créateurs et de concepteurs du Barbier de Séville sublime ainsi l’argument simpliste du triangle amoureux pour faire ressortir les qualités artistiques de la pièce. Le résultat donne une des plus agréables soirées de théâtre de la saison.
Bien sûr, on peut voir dans l’insolence de Beaumarchais une certaine modernité. On a souvent dit que son ouvre avait remis en question les rapports traditionnels entre la noblesse et le peuple, et qu’on pouvait y lire (surtout dans Le Mariage de Figaro) des signes avant-coureurs de la Révolution française. Mais, pour Cyr et son équipe, c’est d’abord une comédie destinée au divertissement du public. Inutile donc de faire une relecture de la pièce à l’aube de l’an 2000…
Dans une «prison dorée», Bartholo garde en otage Rosine, qu’il veut épouser prochainement. Mais le comte Almaviva aime aussi la jeune ingénue. Il veut la libérer des chaînes de son très jaloux tuteur et futur époux. Par chance, il bénéficie de l’aide de Figaro, un valet devenu barbier ayant l’âme d’un justicier. Figaro multiplie donc les stratagèmes pour que le comte atteigne le cour de la jolie.
Le metteur en scène annonce ses couleurs dès le lever du rideau. Benoît Brière livre un prologue tiré de Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville, dans laquelle Beaumarchais demande «modestement» l’indulgence du spectateur. Le spectacle se termine aussi par un épilogue extrait du même texte.
La joie et la bonne humeur ressortent de cette production de deux heures, comme la douceur et la lumière au printemps. Les grands responsables en sont les comédiens. Très bien dirigés par Cyr, ils font, dans l’ensemble, un excellent travail.
En Figaro, Benoît Brière trouve un rôle à la mesure de son talent. Agile, brillant, vif et drôle, le comédien prouve ici qu’il est d’abord et avant tout un homme de théâtre. Il est malheureux que ses nombreuses occupations professionnelles ne lui permettent pas de monter plus souvent sur les planches, où il semble dans son habitat naturel.
Normand Lévesque rend avec un plaisir évident Bartholo, «un méchant tellement extraordinaire», en lui donnant toute l’outrance voulue. Pascale Desrochers est tout simplement merveilleuse. Elle alterne habilement la candeur et le ridicule de sa Rosine (il faut la voir s’évanouir lorsqu’elle apprend l’identité de son prétendant!). François Papineau est très solide et aussi désopilant dans le rôle du comte. Roger Larue donne une savoureuse couleur à son opportuniste Dom Basile.
Finalement, le travail de conception facilite cette magnifique prestation des acteurs. Il faut mentionner les costumes éclatants de François St-Aubin; la musique et les chansons originales de Christian Thomas; le décor de Claude Goyette, constitué de grillages par lesquels passe la belle lumière de Martin Labrecque.
À voir pour le charme discret du plaisir léger.
Jusqu’au 27 mars
Au TNM
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