Le Jardin des songes : Les fleurs du tapis
Scène

Le Jardin des songes : Les fleurs du tapis

On peut déjà humer l’odeur du printemps à la Maison Théâtre, où l’Arrière-Scène a planté son Jardin des songes. Destiné aux enfants de cinq à neuf ans, le spectacle écrit et mis en scène par Serge Marois, d’une indéniable beauté, charme l’oil pendant près d’une heure. Mais, selon moi, il n’a pas trouvé les mots pour exprimer les émotions délicates d’un enfant troublé par l’absence de sa famille le jour de son sixième anniversaire.

Luxuriante végétation, bouquet de couleurs éclatantes, magie des effets théâtraux… Le metteur en scène déploie en effet une éblouissante poésie visuelle, avec la complicité de Paul Livernois à la scénographie, et de Claude Cournoyer aux éclairages. Baigné d’une lumière ensoleillée ou bleutée, le jardin paisible et clôturé constitue un havre protégé: c’est l’univers du petit Alex, six ans aujourd’hui… et tout seul! Ses parents et sa sour auraient-ils oublié son anniversaire? Et pourquoi? Un mélange de culpabilité («C’est parce que j’ai déchiré le devoir de ma sour!») et d’inquiétude («Ils ont eu un accident!») habite l’enfant. Louis-Martin Despa obtient d’entrée de jeu l’adhésion du public, qui s’amuse à le voir planter dans le jardin ses objets personnels: camion, ourson et doudou, ces biens précieux de l’enfance.

Hélas, à partir de là, le rythme et le sens s’étiolent. Emporté par la rêverie, Alex imagine des personnages venus réclamer son aide: une diva esclave de son public (Catherine Pinard, au chant envoûtant), un angelot tombé de son nuage (Julie Beauchemin) et un prince africain (Marcel Pomerlo) dont le village a été décimé par la guerre. Ce trio hétéroclite qui envahit le jardin deviendra bientôt une nouvelle famille «constituée», comme le déclare Alex. Les contours de cette histoire ne sont pas nets: on comprend vaguement que l’enfant, se croyant oublié de tous parce qu’il n’a pas été à la hauteur, tente de se racheter en devenant le sauveur de ces visiteurs, qui seraient nuls autres que ses parents et sa sour véritables. Or, le lien entre l’imaginaire et la réalité n’est pas assez marqué, à mon avis; le retour à la réalité est escamoté, laissant Alex à ses illusions et le public, sur sa faim.

Pourtant, des images fortes et belles saisissent: cette altière diva, grandie par des échasses, qu’une longue écharpe enchaîne à son public; cette envolée de l’ange, qui laisse tomber une plume blanche, en souvenir; ou ces carrosses, nombreux, presque obsédants, évoquant la petite enfance qu’Alex quitte, doucement mais sûrement.

Les jeunes spectateurs ont-ils pu saisir la portée des rêves d’Alex? J’en doute… Il est dommage qu’un texte aux ramifications un peu atrophiées n’ait pas permis au sens de faire son chemin et d’irriguer ce jardin comme il le méritait.

Jusqu’au 21 mars
Maison Théâtre
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