Craignez l'homme né d'aucune femme : La traversée du désert
Scène

Craignez l’homme né d’aucune femme : La traversée du désert

Avant d’aller voir Craignez l’homme né d’aucune femme, au Théâtre La Veillée, j’ai lu cette citation de feu Stanley Kubrick: «Le fait que la vie n’ait pas de sens force l’homme à essayer de lui en donner… Peu importe l’ampleur des ténèbres, nous devons créer notre propre lumière.»

Actuellement, à Montréal, deux productions surfent sur l’absurdité de la vie: L’Asile, de Dominic Champagne et sa bande du Théâtre il va sans dire, et la création de Janvier Toupin Théâtre d’envergure ci-haut nommée. Dans un cas comme dans l’autre, il semble que les créateurs préfèrent déstabiliser le spectateur plutôt que de proposer un univers narratif cohérent. Avec des histoires déroutantes, sans queue ni tête, à travers lesquelles l’intention de prendre la parole compte davantage que la compréhension du drame. Pour le meilleur ou pour le pire…

Le désir de raconter une histoire est à la source de Craignez l’homme né d’aucune femme, de et mise en scène par Patrice Dubois, en collaboration avec les autres comédiens de la troupe: Dany Michaud, Marie-Claude Gamache, Philippe Martin, Marie-Josée Normand et Brigitte Saint-Aubin, Vaguement inspirée de la vie et l’ouvre de Claude Gauvreau, cette pièce a les qualités de ses défauts. Le texte est bâtard, un peu brouillon. Visiblement, Dubois est ses acolytes n’ont pas la prétention de faire du théâtre d’auteur avec un grand A (sur le programme, les extraits du texte affichent même des fautes d’orthographe!). C’est donc le plaisir de créer et de jouer qui est le moteur du spectacle.

La jeune troupe a imaginé une vaste aventure, à la limite de l’épopée, mais avec les moyens du bord et dans une salle d’une trentaine de places. Entre le récit fantastique et l’histoire rocambolesque, Craignez l’homme… nous transporte dans plusieurs lieux incongrus: du toit d’un gratte-ciel montréalais à l’auberge d’un site archéologique. Les personnages sont très colorés, grotesques ou dysfonctionnels: un pompier, une archéologue lesbienne, un mangeur de bicyclettes, une guidoune…

Ils n’ont pas de véritable liens avec Simon, le personnage principal. Quand ce dernier découvre qu’il n’a jamais eu de nombril, en couchant avec une prostituée, il perd sa meilleure amie, son parrain et sa mère. Simon décide de partir à la recherche de ses véritables origines. Il rencontrera, dans le désert, «de jeunes fanatiques qui le prendront pour ce qu’il n’est peut-être pas…».
La mise en scène est à l’image du texte: très éclatée. Ici et là, on a droit à des montages sonores de vieux films noirs avec la voix de Bogart, entre autres; ou à des chorégraphies d’une danse de la pluie…

À un moment donné, on croirait que la pièce va nous entretenir de la mort de l’ego. Un personnage affirme que «pour changer, il faut identifier la source de la souffrance». Il développe l’idée de la révolution au sens large du terme. Mais ces considérations sociales et psychologiques sont aussitôt évacuées. On replonge alors dans un lyrisme presque exploréen.

En prime, les comédiens livrent un finale inusité et hilarant. Abandonné littéralement à la sortie, le spectateur tente en vain de trouver un sens à tout ça.

Jusqu’au 24 avril
Au Théâtre intime de l’Espace La Veillée
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