Molière en direct : Téléthéâtre
Scène

Molière en direct : Téléthéâtre

Chaque saison, le rituel est incontournable: Tartuffe, Scapin, Alceste ou Monsieur Jourdain montent sur les planches de nos théâtres institutionnels pour réaffirmer le caractère intemporel des comédies humaines de Molière. Avec des distributions haut de gamme et des metteurs en scène de renom, les pièces du cher Poquelin font courir les foules et gratifient nos directions théâtrales de succès quasi assurés. La recette est bien connue et répétée ad infinitum…

À des années-lumière de ces mégaproductions, deux jeunes auteurs- comédiens tentent maintenant de prouver que Molière peut également titiller les amateurs de création et de happenings théâtraux éclatés. À la salle Fred-Barry, jusqu’à la fin du mois, le dramaturge statufié reprend vie dans Molière en direct, un spectacle survolté dont les belles audaces sont malheureusement affaiblies par une trame qui s’effiloche de partout et une interprétation inégale.

Écrit, mis en scène et interprété par Michel Sancho et Évelyne de la Chenelière, deux jeunes acteurs ayant fréquenté le Nouveau Théâtre Expérimental et les ateliers de Pol Pelletier, ce show surréel catapulte Molière en plein XXe siècle pour confronter sa pensée et son théâtre aux réalités des temps modernes.

Atterrissant sur le plateau d’un talk-show en vogue où une jeune animatrice évaporée se met en frais de l’interviewer, le dramaturge aux allures rebelles rappelle ses faits d’armes et multiplie les coups de gueule contre le théâtre, le showbiz et l’hypocrisie d’hier et d’aujourd’hui. Des scènes actualisées du Misanthrope, des Femmes savantes ou de Tartuffe sont également jouées par le couple Sancho-de la Chenelière, alors qu’un petit orchestre se charge des transitions musicales.

Le problème majeur de cette production qui se veut un hommage au discours «engagé» de Molière et de son ouvre est, paradoxalement, sa propension pour le cabotinage et l’absence d’une vision unifiée qui transcenderait le flot de flashs provocateurs qui nous submerge.

Ainsi, dans une même envolée, une livraison psychotique du Misanthope se fondra à l’interprétation intempestive d’I Will Survive par le band maison, avant qu’un animateur de foule kétaine (Guillaume Lapierre-Desnoyers) ne nous ramène aux flatteries gluantes de l’animatrice télé. Même si ce genre de dérive provoque parfois le sourire – et évoque vaguement certains délires théâtraux à la Dominic Champagne -, on reste la plupart du temps étranger aux «sparages» qui se déroulent devant nous, faute d’y trouver un sens.
Enfin, en tant qu’interprètes, Michel Santo et Évelyne de la Chenelière nous offrent le meilleur comme le pire. Si leur investissement total dans une aventure aussi essoufflante force l’admiration, leur livraison des vers classiques manque souvent de naturel. Et quand Molière, avec ses allures de Renaud mal rasé, envoie promener la Sonia Benezra de service sur le plateau de télé, on a l’impression que le froid qui s’installe entre eux s’est répandu, depuis déjà un bon moment, dans la salle tout entière…

Jusqu’au 26 mars
À la salle Fred-Barry
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