Ducharme-Ronfard : Ines Pérée et Inat Tendu
Scène

Ducharme-Ronfard : Ines Pérée et Inat Tendu

Le pur plaisir, lorsqu’il s’offre de façon généreuse et impromptue, nous gratifie d’un petit supplément d’âme. Une chaleur s’installe. Les couleurs semblent plus vives, le temps se veut plus doux. Magique, comme la rencontre entre deux êtres magnifiques, uniques, essentiels. Le croisement Ducharme-Ronfard, qui s’effectue au Théâtre du Trident avec Ines Pérée et Inat Tendu, engendre un spectacle digne des plus grands alchimistes de la scène.

Deux enfants-adultes tombés des nues arpentent un bout de la planète à la recherche de cet endroit où ils seront pris et acceptés tels quels. Les bras ouverts, le corps tendu vers l’avant, Ines et Inat revendiquent leur place et leur écot d’amour. Aimer et être aimé, c’est aussi compliqué que cela. Hors-normes, ils bousculent le sacro-saint ordre établi. Et transforment tous ceux qu’ils effleurent ou étreignent.

Jean-Pierre Ronfard a fait l’heureux choix d’inscrire sa mise en scène dans un rapport libre avec le spectateur. La scène, au ras du sol, est située au milieu de la salle. Cette absence de point de vue forcé donne au public ce sentiment de participation et d’implication unique au théâtre, lorsque celui-ci se veut fidèle à ses origines. L’action explose et explore les divers niveaux, à vue ou cachés, de l’environnement. La langue de Ducharme, déconcertante de beauté et de démesure, s’incarne ainsi dans tous ses possibles. On y parle d’exclusion et de marginalité avec une intemporalité qui fait de ce texte un classique inclassable. Mais le propos social, bien qu’il soit pertinent et qu’on le reçoive fortement, ne résume pas toute l’expérience. On est happé par les mots, séduit par les personnages et enivré par un humour qui se déguste à plusieurs sauces: poétique, absurde, décadent, décapant et grotesque.

Prendre cette parole et la rendre sur scène demandait des comédiens prêts à tout. Ronfard a misé juste, particulièrement avec Évelyne Rompré dans le rôle D’Ines Pérée. Elle est l’enfant-adulte, du regard à la gestuelle, parfaite, vibrante, entière. Son compagnon Normand Poirié (Inat) la complète bellement et justement. Et puis il y a Linda Laplante, vulnérable et pathétique à souhait en Isalaide Lussier-Voucru ainsi que Caroline Stephenson, Patric’ Saucier, Pierre-Yves Charbonneau et Marie-France Duquette, tous savoureux. Allez et tombez sous le charme Ducharme.