Jean-Marc Dalpé : Les boys
Scène

Jean-Marc Dalpé : Les boys

«T’as été humilié… Pis être humilié de même, c’est comme se faire mordre par un serpent. Tsss! Quiens! Un serpent venimeux. Après ça, t’as l’poison dans l’sang. Pis c’poison-là, c’t’un poison qui brûle, c’t’un poison qui t’brûle par en d’dans. T’as mal, ça s’dit pas.» Ben Bereczky, un «pégreux» dans la quarantaine, vient de révéler à Mike, l’ado révolté, les sources de sa colère…

Dans Trick or Treat, son nouveau thriller présenté à La Licorne à compter du 30 mars, l’auteur Jean-Marc Dalpé renoue avec la faune d’écorchés vifs et de marginaux qui peuplent sa dramaturgie musclée depuis une douzaine d’années. Après Le Chien, Eddy et Lucky Lady, Dalpé nous présente maintenant cinq hommes en crise qui se débattent dans un univers aussi noir que brutal. Comme à son habitude, c’est dans une réalité très contemporaine que l’auteur a trouvé les germes de son ouvre.

«L’inspiration de cette pièce-là, je l’ai eue quand j’ai été invité par un organisme communautaire à donner des ateliers à des jeunes qui avaient subi ou posé des gestes violents, raconte Jean-Marc Dalpé. Après les avoir côtoyés pendant trois jours, j’ai eu le goût d’écrire une pièce dont certains personnages leur ressembleraient. Des personnages de gars mal pris, qui essaient de s’en sortir.»

Transfigurés par l’imaginaire de l’auteur, les «gars mal pris» de la saga urbaine de Dalpé prennent les traits d’un pusher psychotique incapable de communiquer avec sa mère, d’un mafieux qui craint les représailles du «milieu» ou encore d’un adolescent rongé par le «taxage» dont il a été victime. Apparaissant dans une série de tableaux hyperréalistes, ces protagonistes nous confient également leurs états d’âme dans des intermèdes à connotation biblique évoquant aussi bien le chaos de la tour de Babel que le fratricide commis par Caïn. Le parcours dramatique qui en résulte s’annonce pour le moins original…

«La structure de Trick or Treat n’est vraiment pas conventionnelle, poursuit Dalpé. À partir d’une petite pièce où mes personnages principaux s’affrontaient, j’ai ensuite créé d’autres tableaux où chacun d’entre eux pouvait exposer son drame. Finalement, pour réunir le tout, j’ai écrit des épilogues avec des allusions religieuses qui rejoignent les thèmes de chaque tableau: la trahison, l’épreuve du courage, l’apocalypse. À travers tout ça, y a une montée graduelle de la tension, un peu comme si on jouait une gamme et que la violence augmentait à chaque note.»

Pour donner vie à sa saga tourmentée, Dalpé a réuni une «clique» de comédiens dont l’âge varie de 20 à 50 ans. Maxime Denommée, David Boutin, Claude Despins, Pierre Curzi et l’auteur lui-même seront dirigés par Fernand Rainville, un metteur en scène avec qui Jean-Marc Dalpé semble avoir quelques atomes crochus.

«Fernand est d’origine franco-ontarienne, comme moi, et ça crée une forme de connivence parce qu’on partage certaines références culturelles. Mais surtout, c’est un spécialiste de la dramaturgie nord-américaine qui comprend bien l’urgence qui habite mon théâtre.»
Avec ce nouveau chapitre de sa dramaturgie des laissés-pour-compte, Jean-Marc Dalpé se défend bien de vouloir faire une ouvre à thèse qui impose un constat social de quelque nature que ce soit. Mais, avec ses mots qui cognent, le dramaturge ne cache pas vouloir provoquer des réactions. «Au-delà des idées, je cherche surtout à atteindre les gens physiquement. Parce que moi-même, si j’écris, c’est parce que je me sens violenté par un monde où le respect, la solidarité et les valeurs morales foutent le camp. Ça me rentre dedans, et la meilleure façon de partager ça avec les gens, c’est de les amener à vivre quelque chose de fort durant mes pièces.»

Du 30 mars au 24 avril
À La Licorne
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