Quand Marie est partie : L’âge tendre
L’amour n’a pas d’âge, dit-on. Les années qui défilent en laissant leurs marques sur les corps n’entament pas le dur désir d’aimer enfoui au fond des cours, paraît-il. Pourtant, si on s’arrête à faire l’autopsie des rapports amoureux que la télé, le cinéma, le théâtre et la littérature nous donnent en exemple, force est de constater que l’idée d’amour demeure l’apanage d’une certaine jeunesse. Comme si la sensualité ne pouvait naître au creux du regard porté par un visage raviné. Comme si l’envie de toucher disparaissait dès l’instant où l’on encaisse un chèque de pension. Lise Castonguay, metteure en scène de la pièce Quand Marie est partie, présentée à La Bordée, est la première à reconnaître ce blocage que l’on a face à l’amour chez nos aînés. «On dirait que ça ne fait pas partie de notre imaginaire. Face à cette réalité, lorsqu’elle nous est présentée, on rougit et on ne sait pas comment réagir», avoue-t-elle. Touchant constat qu’on sera à même d’apprivoiser avec ce texte d’Israël Horovitz, auteur américain méconnu ici, bien qu’il soit abondamment joué en Europe.
Marie vit avec Zelly, un Américain qu’elle a connu en France pendant la guerre et qu’elle a suivi au Massachusetts afin de l’épouser. Une fille maintenant âgée de 40 ans, une petite vie paisible de retraités et la vie qui s’égrène doucement. Jusqu’à ce que débarque Henry, le fiancé abandonné il y a 45 ans sur l’autre continent. «Il t’a eue pendant quarante ans, maintenant c’est à mon tour!» L’argument a de quoi faire réfléchir Marie…
«C’est une comédie dramatique très romantique, explique Lise Castonguay. Un théâtre qui se veut accessible, réaliste, tout en étant profondément intelligent et humain. Lorsqu’on s’attarde à prendre une certaine distance, on constate que la première histoire en cache une autre, qui elle-même en cache une autre et ainsi de suite. Il y a le triangle amoureux, bien sûr, mais on y retrouve aussi les rapports père-fille, mère-fille. L’arrivée de ce fiancé fait remonter à la surface le monde imaginaire enfoui dans tous et chacun. Un peu comme si l’océan s’ouvrait soudainement et que tout refaisait surface en mélangeant réalité et fantasmes.»
Pour sa première mise en scène au Théâtre de la Bordée, Lise Castonguay s`est gâtée en faisant appel à des comédiens dont la réputation n’est plus à faire. Denise Verville, Jacques-Henri Gagnon et Jean Guy personnifient ces trois septuagénaires en plein branle-bas amoureux. Andrée Vachon, que l’on a pu admirer récemment dans Trois sombres textes pour actrice éclairée, complète la distribution dans la peau de la fille du couple, une femme au bord de la crise de nerfs… «J’étais un peu intimidée à l’idée de diriger ces acteurs exceptionnels, dont certains m’ont enseignée. Mais un comédien demeure toujours un comédien, peu importe ses années de métier. Avec générosité, humilité et ouverture, ils m’ont fait confiance», conclut la metteure en scène. Qui sait, voilà peut-être l’occasion de jeter un pont entre les générations?
Du 6 avril au 1er mai
Au Théâtre de la Bordée
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