Révolutions : Pétard mouillé
Scène

Révolutions : Pétard mouillé

D’abord, disons que c’est une entreprise hasardeuse! Comment réussir en deux heures ce qu’un siècle de régime communiste et d’idéologie marxiste a été incapable de faire? Si Alexis Martin voulait en finir avec l’inégalité des classes et l’injustice du système capitaliste, ce n’est pas avec Révolutions qu’il va convaincre quiconque de monter aux barricades…

Avec sa récente pièce, produite par le Nouveau Théâtre Expérimental à l’Espace Libre, Alexis Martin se fait prendre au piège du théâtre engagé. Certes, contrairement aux créations politiques des années 70, l’auteur et metteur en scène ne propose pas un show d’agit-prop et ne verse pas dans la propagande socialiste. Il conserve même une distance critique et humoristique face aux discours militants de gauche comme de droite.

Toutefois, le public ne retrouvera pas dans Révolutions l’intelligence, la subtilité et l’ironie de Matroni et moi, le «chef-d’ouvre» de Martin. Ni la caricature mouillée d’acide d’Oreille, tigre et bruit. Car, ici, la dérision philosophique et les acrobaties intellectuelles de l’auteur tombent à plat.

Au cour de Révolutions, on suit Robin (Robin Aubert), un fils d’ouvrier du quartier Hochelaga-Maisonneuve, qui cherche à comprendre pourquoi il est né du mauvais côté de la track. Avec deux amis et complices (Gary Boudreault et Éric Forget), Robin rêve de changer le monde et de sortir de la misère. Mais pour y parvenir, le trio hésite entre la violence et le savoir. D’un côté, il complote pour poser des bombes le jour de la Saint-Jean; de l’autre, il s’attelle à l’apprentissage des mots savants dans le dictionnaire – ontologique, atermoiement, déréliction – et mémorise leur définition.

Ce canevas aurait suffi à construire une pièce aux multiples déploiements. Mais, curieusement, Martin a inséré dans son ouvrage plusieurs intrigues avec des personnages secondaires. Aux ambitions héroïques de Robin se superposent une relation incestueuse avec sa sour (Tania Lafrance); un sentiment de culpabilité en regard de son père devenu chômeur et alcoolique (Gaston Caron); une amitié tendre avec un poète junkie au nom de Mouche (Miro); un flirt avec une jolie bourgeoise de Westmount (Catherine Proulx-Lemay) protégée par un ancien chum jaloux (Daniel Brière).

Voilà beaucoup de choses pour une pièce en un acte… Et le résultat reste en deçà des espérances. Le texte trop didactique nuit à la forme dramatique et comporte des longueurs (la pièce dure plus de deux heures). Contrairement à Matroni et moi, Alexis Martin n’arrive pas à intégrer les ruptures de ton de Révolutions, et le constraste entre les univers des personnages. La mise en scène, un peu appoximative, n’aide pas à faire oublier ces faiblesses.

Reste que sur scène se démène une formidable distribution. En tête, Robin Aubert, pratiquement toujours sur scène, qui livre une performance marathonienne (bien qu’il semble, avec raison, parfois manquer de souffle). Il y a aussi Miro qui insuffle une belle note poétique à la pièce, principalement dans son monologue sur la beauté. Et Gary Boudreault qui prouve encore une fois son grand sens du comique et du timing.

Alors si vous êtes un fan d’Alexis Martin, le détour en vaut peut-être la peine…

Jusqu’au 8 mai
Espace Libre
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