La Femme du boulanger : Du pain et du jeu
Un village de Provence, l’accent méridional et la femme du boulanger qui s’enfuit avec un berger. Voilà qui devrait clore en beauté la saison du Trident.
«Lorsque Marie-Thérèse Fortin m’a proposé d’interpréter ce rôle, j’étais terrorisé! On le serait à moins… Pour un acteur, La Femme du boulanger reste toujours un mythe. Il faut apprivoiser le personnage.» Fébrile, Jean-Jacqui Boutet arrive en entrevue avec ses cahiers de texte aux passages surlignés de bleu. Mû par la volonté de bien expliquer les choses, le comédien y référera souvent, histoire de relever un exemple de difficulté de la langue ou encore de la complexité du personnage. Fébrile, disions-nous. C’est que Jean-Jacqui Boutet n’a pas défriché de rôle de ce calibre depuis bien des lunes. On l’a bien vu l’an passé dans La Tempête, qui marquait son retour sur les planches du Trident, et plus récemment dans Les Comédies françaises à la Bordée. Mais il faut revenir cinq ans en arrière pour retrouver le comédien dans son dernier grand rôle avec Le Malade imaginaire, sur la scène du théâtre de la rue Saint-Jean dont il assumait naguère la direction. Mais ce n’est pas tant l’éclipse involontaire que l’ampleur du personnage à jouer qui donne à Jean-Jacqui Boutet des montées d’angoisse. «La référence en la matière demeure le film de Pagnol et, bien entendu, la prestation de Raimu dans le rôle du boulanger», explique le comédien en levant les yeux au ciel. Raimu par-ci, Raimu par-là, bon ça va, semble-t-il dire. «Je connais très bien cet acteur puisque je regarde du cinéma français depuis l’âge de 6 ans. Mais je n’ai pas revisionné La Femme du boulanger depuis qu’on m’a confié le rôle. Je ne voulais pas involontairement emprunter des attitudes physiques ou autres. Je veux que ce personnage provienne de moi.»
D’abord née sous la plume de Jean Giono, l’histoire de La Femme du boulanger telle qu’adaptée par Marcel Pagnol se veut toute simple. Un charmant village de Provence, parfumé de lavande et chauffé de soleil. Tous se connaissent et célèbrent avec joie l’arrivée du nouveau boulanger et de sa belle épouse. Les fourneaux reprennent du service et on pourra de nouveau croquer dans la tendre chair d’une mie bien tiède… Hélas, pas pour très longtemps puisque la douce moitié du boulanger s’enfuit avec un berger. «Il refuse de pétrir et de cuire le pain tant qu’elle ne reviendra pas, poursuit Jean-Jacqui Boutet. Tous se mettent à sa recherche. Pas tant par compassion que par intérêt! Le pain est un symbole fort, essentiel à la vie.»
Il faut entendre le comédien adopter l’accent méridional pour décrire l’amour inconditionnel qu’Aimable, le boulanger, porte à sa femme! Une vraie musique, tendre et capiteuse à souhait. Car on nous promet, sous la houlette du metteur en scène Carl Béchard, un dépaysement visuel et auditif. «Il fallait jouer cette pièce avec l’accent approprié, c’était incontournable, plaide le comédien. Toute la couleur du texte s’y trouve. On travaille avec un entraîneur et on y arrive je crois. C’est une chose que de prendre l’accent entre copains pour s’amuser, mais de véritablement le cerner et le tenir s’avère pas mal plus compliqué», conclut-il. Le souvenir du film de Pagnol (1939) étant plutôt flou pour une majorité d’entre nous, parions que Jean-Jacqui Boutet saura donner un visage inoubliable au personnage. Truculence, émotions et jolies couleurs au rendez-vous.
Du 27 avril au 22 mai
Au Grand Théâtre
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