Elles sont rares, les petites compagnies théâtrales qui peuvent s’enorgueillir de fêter un dixième anniversaire. Le Théâtre Harpagon souligne le coup en présentant à la Petite Licorne trois lectures publiques de sa pièce La Flotte de la reine, créée en 1993, mais remaniée depuis. Quel est donc le secret de sa longévité? «Je pense qu’il faut être entêté pas mal, répond Claude Paiement, l’un des cofondateurs et actuel directeur artistique d’Harpagon. Et il faut avoir du plaisir. Ça aide aussi d’avoir beaucoup d’amis (rire), de rencontrer des gens généreux…»
En dix ans et cinq créations, Harpagon a su creuser sa niche: un mariage de la bouffonnerie et du tragique, du noir et du grotesque, où «le verbe est roi». «Quand on a monté la compagnie, on voulait faire de la comédie avant tout, à partir de sujets sérieux. Autrement dit, faire rire les gens, et, idéalement, à la fin de la pièce, les bouleverser. Notre couleur s’est précisée avec le temps. Aujourd’hui, je dirais que ce qu’on fait ressemble un peu à La Ribouldingue, mais pour adultes.»
Un style singulier qui se confond avec les préoccupations de Claude Paiement, devenu, «vraiment par accident», et un peu malgré lui, l’auteur-metteur en scène maison. «Ça ressemble un peu à ce que je suis. J’ai un côté très sombre, et, en même temps, j’aime rire. Et pour moi, le théâtre, il faut que ce soit cela: un lieu où essayer d’alléger la vie. Il se doit d’être une fête.»
Puisant dans l’angoisse existentielle devant l’absurdité de la condition humaine, Claude Paiement s’intéresse surtout aux «situations extrêmes», qui nous permettent de nous révéler, de nous remettre en question: la mort (L’Ahurissant Vertige de Monsieur Maelström), la guerre (Le Petit Cirque de Barbarie).
En attendant sa prochaine création, une «comédie psychanalytique» prévue pour le printemps 2000, le Théâtre Harpagon nous offre l’occasion de (ré)entendre un texte qui n’avait pas fait son plein de public. Composée de deux courtes comédies, une «farce tragique» et un «divertissement mystique», La Flotte de la Reine lance un oil dérisoire sur «les vaines et ridicules tentatives de l’homme pour trouver un sens à sa vie».
Aux côtés de Frédéric Desager et d’habitués de la troupe (Normand Carrière, Lysane Gendron et Sylvain Marcel), on verra le grand Jean-Louis Millette, à qui Paiement avait songé dès le début, mais sans oser l’aborder. Eh oui, Paillasson lui-même… «C’est l’un des héros de mon enfance. C’était vraiment un fantasme de retrouver l’essence de ce genre d’univers. Le côté festif, le plaisir de créer des personnages plus grands que nature. Chez Harpagon, c’est un peu ce que l’on essaie de faire, aussi. Alors, on est allé chercher un expert dans le domaine…»
À La Petite Licorne
Du 20 au 22 mai
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