Ginette Prévost : Cartes sur table
Scène

Ginette Prévost : Cartes sur table

La directrice générale de la compagnie de danse et de diffusion La Femme 100 têtes a l’habitude de manier les chiffres. À 40 ans, cet ancien bras droit de Ginette Laurin et Jean-Pierre Perreault est en train de reléguer ses tâches de productrice au second plan pour devenir chorégraphe. Et ses affaires vont rondement. L’automne dernier, Ginette Prévost signait la chorégraphie d’Orféo, de Victor Pilon et Michel Lemieux. Dans quelques jours, elle nous présentera La Nef des 7, au Théâtre de la Ville, à Longueuil.

Pas étonnant que son nouveau spectacle s’inspire des chiffres. «J’ai fait une recherche sur la signification des nombres dans différentes cultures, explique Ginette Prévost. Mais une fois en studio, j’ai cessé de m’y intéresser. J’ai dit aux danseuses: "Voyons où ça nous mènera".» Son travail de recherche a porté fruit: sept tableaux sont nés, entièrement différents les uns des autres. «Ils ont leur propre univers. Le pas de quatre, par exemple, est très technique, très formel. Le quintette, lui, se déroule en douceur sur des airs de violoncelle, tandis que le solo est dansé sur une musique techno.»

Comme à son habitude, Ginette Prévost a fait appel à sept jeunes danseuses professionnelles, dont Catherine Viau, Julie Beaulieu et Sophie Lavigne. Leur énergie la transporte. «Elles sont "enragées" de danser. Ce dynamisme convient bien à mon travail, qui est physique. Et puis, j’aime voir de nouvelles têtes sur scène.»

Malgré sa courte feuille de route, Ginette Prévost a une bonne longueur d’avance sur les chorégraphes débutants. «Après avoir travaillé pendant quatre ans avec Ginette Laurin, et été directrice artistique chez Jean-Pierre Perreault, je sais comment faire la promotion d’un spectacle», dit-elle. À son grand étonnement, ce qui était au départ un timide désir de création remet aujourd’hui en question son évolution professionnelle. Son envie de chorégraphier est si puissante qu’elle envisage de reprendre l’entraînement physique après plusieurs années de repos. «Mon plus grand souhait, c’est de développer davantage ma recherche gestuelle. Quand je veux enseigner des mouvements, je me sens limitée au plan physique.»

Après avoir monté quatre ouvres en trois ans, Ginette Prévost garde la tête froide. L’expérience lui a enseigné à ne pas brûler la chandelle par les deux bouts. C’est que l’artiste demeure cartésienne. «J’ai vu des chorégraphes travailler énormément, puis ne plus avoir d’inspiration parce qu’ils étaient à bout de souffle.»

Du 18 au 22 mai
au Théâtre de la Ville

Projet Ruckert
Si vous haïssez les tête-à-tête avec un inconnu, oubliez le dernier spectacle à l’affiche de Danse-Cité. Bien que…

La formule mise de l’avant par le chorégraphe invité, le Berlinois Felix Ruckert, effarouche. C’est qu’elle évoque les fameuses danses à dix dollars. Dix solistes dansent, simultanément, chacun un solo différent pour un spectateur à la fois. Pendant leur performance, on n’a pas d’autre choix que de faire face au danseur ou à la danseuse. Oui, c’est intimidant. Non, on ne reste pas assis les bras croisés: on nous murmure des mots ou on nous entraîne dans la danse (rien de porno: on reste dans l’art avec un grand A).
Comment ça se passe? On choisit le soliste selon les affiches exposées au bar de l’Agora ou les biographies du programme. On prend le badge accroché sous l’affiche sélectionnée puis on se dirige vers l’entrée de la salle transformée pour l’occasion en antichambre. Un danseur nous accueille, nous suggère un prix d’entrée (rien d’exorbitant), puis nous invite à le suivre. Dans la salle de spectacle métamorphosée en souk, on se faufile entre d’immenses triangles blancs. Seuls bruissements et murmures jaillissent autour de nous. Une fois sous la tente, la performance débute. En révéler davantage serait vous gâcher le plaisir de la découverte puisque les qualités de ce spectacle inusité se résument à son effet de surprise ainsi qu’à avoir devant soi un interprète concentré sur son travail comme s’il était devant 200 spectateurs.

Comme beaucoup de chorégraphes européens, Felix Ruckert cherche à renouveler les rapports entre l’artiste et le public en bousculant nos confortables habitudes. Sa danse est farouche, sensuelle, et ne cherche pas à éblouir. L’improvisation occupe une place minuscule. Et qu’on le veuille ou non, on se laisse prendre au jeu. À la fin de la performance, qui dure de dix à trente minutes, on ressort ébahi, enthousiaste, avec l’envie de choisir un autre danseur (mieux vaut arriver tôt). Impressionnant.

Jusqu’au 15 mai
À l’Agora de la danse
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