Yves et Martin : Farces et attrapes
La rencontre entre l’humoriste YVES PELLETIER et le comédien MARTIN DRAINVILLE promettait beaucoup. Malheureusement, leur premier spectacle ne propose rien de bien nouveau dans le paysage de l’humour québécois.
Dans le merveilleux monde du showbiz, la fin devrait justifier les moyens. Pour leur premier spectacle Yves et Martin, produit par Spectra, Yves Pelletier et Martin Drainville ont mis le paquet. Dans la lignée des shows de Rock et Belles Oreilles (RBO) – et à contre-courant ºdu minimalisme de spectacles plus récents, comme ceux de Lise Dion ou de Pierre Légaré -, le duo a misé sur le grand déploiement scénique. Le problème, c’est que tous ces moyens servent très peu la performance de ces deux artistes au talent indéniable.
D’entrée de jeu, les humoristes annoncent leurs couleurs. Pelletier et Drainville entrent en scène simplement vêtus de collants et de sous-vêtements, au milieu d’un dépouillement digne des spectacles amateurs. Puis, le rideau se lève sur leur véritable environnement scénique: un gros (et inutile) décor signé Pierre Labonté; de nombreux accessoires; une pléthore de costumes (huit concepteurs ont assisté Suzanne Harel à la réalisation des costumes!); des éclairages soignés; des projections de films; de la danse, du rap et des chansons originales…
C’est beaucoup de bruit pour rien! Car à la fin d’Yves et Martin, un show mis en scène par Louis Saïa et présenté ce mois-ci au Spectrum de Montréal et au Capitole à Québec, on se demande ce que les humoristes ont voulu exprimer. On cherche un point de vue sur notre société, un thème particulier, un ton original, ou encore une audace rafraîchissante… En vain. Yves et Martin propose une série de flashs éparpillés dans un spectacle drôle par moments, mais insignifiant dans l’ensemble.
En somme, rien de vraiment nouveau dans le paysage de l’humour québécois. Les numéros les plus applaudis, le soir de la première, étaient d’ailleurs ceux des anciens personnages d’Yves Pelletier (le grincheux Monsieur Caron; le curé-lecteur de nouvelles pour sourds-muets; et Damien Bouchard, ce fervent séparatisssse qui scande: "Le pays en l’an 2000!".
Pour sa part, Martin Drainville reconfirme ses grandes aptitudes dans le registre comique. Sa parodie d’un acrobate du Cirque du Soleil, intitulée Strabismo, reste l’un des meilleurs moments de la soirée. Avec un grand sens du dérisoire – le comédien sait faire du cabotinage un art -, Drainville marche sur le fragile fil de la farce avec une intelligence rappelant des maîtres tels Buster Keaton ou Olivier Guimond.
Le numéro du cervologue Bob Dupuis qui peut lire dans les pensées des gens (on fait appel au public) est un peu convenu. D’ailleurs, Stéphane Rousseau fait à peu près la même chose avec un casque qu’il dépose sur la tête de quelques spectateurs.
La caricature de Farinelli (Farine d’Ostie) est pitoyable. Par contre, celle de Claude Picher, livrée par Pelletier, est savoureuse. Le sketch des deux G.O. qui animent les vacances de touristes dans le Sud s’éternise… et goûte un peu le réchauffé (dans son anthologie, Marcel Gamache a aussi quelques bons gags sur le thème de la villégiature à la sauce kétaino-québécoise…). On est loin de l’humour corrosif et méchant du Pelletier de RBO.
Finalement, Yves et Martin est une grosse production bien astiquée, mais sans véritable moteur. Une autre entreprise à succès qui tourne à vide.
Au Spectrum
Du 19 au 22 mai
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