L'Ombre d'un doute : Trompe-l'oil
Scène

L’Ombre d’un doute : Trompe-l’oil

L’Ombre d’un doute s’ouvre sur une forte entrée en matière: plongé dans le noir total, le spectateur entend un valet (Pascal Auclair) qui habille son maître aveugle (Gabriel Gascon) en décrivant ce qui les entoure. Quand l’homme atteint de cécité sort de scène, la lumière jaillit dans la salle, puis l’obscurité se fait à nouveau quand il réapparaît. Ces premières minutes marquent le moment le plus fort du spectacle. On reconnaît la marque du Théâtre Pluriel qui, comme dans ses créations précédentes, multiplie les points de vue pour permettre aux spectateurs de suivre l’action.

Malheureusement, au-delà de ce flash inventif, la création de Michel Laprise n’arrive pas à soutenir notre intérêt. Aveugle depuis trois ans, Hector est trompé par ses proches, des êtres que l’on dirait sortis d’un vieux roman policier: le valet maniéré, les héritiers (Charles Lafortune et Julie Beauchemin), la croqueuse d’hommes (Carmen Ferlan), les amis faussement dévoués (Aubert Pallascio et Robert Toupin) et le trouble-fête (Stéphane Blanchette, en alternance avec Michel Laprise). Informé par ce dernier de la malhonnêteté de ceux qui l’entourent, l’aveugle léguera-t-il sa fortune à une fondation?

En jouant la comédie pour plaire au riche handicapé, les personnages de L’Ombre d’un doute font du théâtre dans le théâtre, transformant leurs moindres gestes en «scènes» qu’ils commentent ensuite. Le manque de crédibilité de cette pièce est accentué par le double jeu de ces personnages. Même le ludique Durocher le milliardaire, repris ce printemps au TNM, offrait des «riches» plus crédibles… Bien que mal dirigés, les comédiens tirent tout de même honorablement leur épingle du jeu, particulièrement Gabriel Gascon, qui compose une victime si crédule que l’on se prend à croire qu’il joue la comédie et à attendre un revirement… qui ne viendra pas.

Mentionnons enfin que l’ingénieuse scénographie de Simon Guilbault (faute de grands panneaux coulissants et de projections) ne rachète pas la faiblesse de cette trop longue comédie bourgeoise. En imaginant l’histoire d’un vieil aveugle berné par ses proches, Michel Laprise a voulu offrir une fable sur la confiance, la désinformation et la tromperie. Visiblement, le directeur artistique du Théâtre Pluriel n’a pas réussi à extraire la substantifique moelle de cette ambitieuse idée.

À la salle André-Pagé de l’École nationale de théâtre
Jusqu’au 2 juin
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