Comme on fait un casse-tête, étudiant minutieusement chaque détail pour reconstituer une scène, les trois personnages de Chambres, la plus récente création des Moutons noirs, nous livrent tour à tour des bribes de leurs amours, des parcelles de vie, pour tenter d’expliquer leur mort.
Les Moutons n’en sont pas à leur première expérience «installative». L’an dernier, dans le cadre de l’anniversaire de Refus global au Musée du Québec, ils ont créé une ouvre intitulée Les frontières de nos rêves ne sont plus les mêmes. Normand Daneau, metteur en scène et co-concepteur du spectacle, explique comment, dans le présent projet, l’installation a diminué en importance: «Avec l’intégration théâtrale, la partie installation a évolué pour occuper une partie plutôt courte du spectacle.» Le côté installation de cette création réside dans la possibilité qu’ont les spectateurs d’explorer le dispositif scénique et de bâtir, sous le mode de l’enquête, leur propre portrait des personnages. «Ce que j’aime de l’installation, ajoute Normand Daneau, c’est le caractère intime de cette expérience. Personne n’aura la même mémoire du lieu, personne n’aura les mêmes images.» Marie-Christine Lê-Huu, qui signe les textes et la conception du spectacle, explique: «Chacun (le spectateur) s’est inventé un personnage, nous lui présentons celui qui a vécu là, nous proposons une explication, mais c’est en fait une possibilité parmi tant d’autres…»
L’amour et la mort sont des thèmes que les Moutons noirs ont privilégiés au cours de leurs dernières créations, donnant allègrement dans un cynisme débridé ou encore une ironie bien sentie. Faisant référence aux spectacles Thanatos et Ceci n’est pas une morte, Normand Daneau tient à marquer la spécificité de Chambres dans le parcours créatif des Moutons noirs: «Cette année, il n’y a pas du tout de cynisme ou d’ironie, c’est un spectacle tendre, sensible…» Marie-Christine Lê-Huu distingue cette création des précédentes en soulignant que cette fois-ci «les préoccupations stylistiques sont moins importantes». De cette épuration du processus de création, qui semble ouvrir de nouvelles avenues à leur recherche interdisciplinaire, Normand Daneau dit bien simplement: «Au fond, multimédia etc., ce sont des catégories; on ne s’est jamais dit "On veut intégrer la vidéo, ou encore les arts visuels…" Ce ne sont pas des désirs intellectuels, plutôt un désir d’essayer de nouveaux trucs. Dans ce cas-ci, les arts visuels amènent une autre expérience pour le spectateur…»
La vidéo, qui prenait une part très importante dans les spectacles Thanatos ou Ceci n’est pas une morte, se fera donc plus discrète, comme dans le spectacle Éros créé l’an dernier, où elle était utilisée dans une perspective symbolique pour appuyer la psychologie des personnages. Marie-Christine Lê-Huu et Normand Daneau ont ainsi créé un spectacle sobre et réfléchi qui conserve la signature appréciée des Moutons noirs _ ambiance musicale live et intégration de la vidéo _ tout en portant plus loin l’exploration de l’expérience théâtrale, qui demeure au cour de leurs préoccupations.
Jusqu’au 30 mai
À la Salle Multi
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