Yves Sioui Durand : Vision d'Amérique
Scène

Yves Sioui Durand : Vision d’Amérique

«Il y a un tel retard dans le développement culturel des Amérindiens du Québec que c’en est scandaleux! S’il doit y avoir une survie de nos cultures au cours du prochain millénaire, il faut qu’il y ait une ouverture, que les véritables artistes soient soutenus et aidés.»

Rencontré pour faire la promotion de sa nouvelle création,Iwouskéa et Tawiskaron, Yves Sioui Durand s’indigne d’être, après 15 ans de travail, encore l’unique porte-étendard du théâtre autochtone québécois.? «Les artistes autochtones doivent absolument prendre la parole pour nous sortir du folklore et reconstruire nos cultures.»

Le cofondateur d’Ondinnok, la seule compagnie de théâtre autochtone professionnelle au Québec, a derrière lui un parcours théâtral d’une cohérence sans faille. C’est lors de l’édition inaugurale du FTA, en 1985, que fut créée sa première ouvre dramatique, Le Porteur des peines du monde. Puis, un peu comme le personnage principal de cette pièce, qui transportait un mort sur son dos, Sioui Durand a baladé son Porteur dans les festivals et réserves pendant dix ans. Entre-temps, cinq créations sont venues enrichir le répertoire d’Ondinnok.

Convaincu de l’importance de «se réunir pour tenter de dénouer les nouds de l’âme humaine», le dramaturge huron-wendat a ensuite mis sur pied le premier théâtre communautaire autochtone du Québec. «De 1995 à 1997, j’ai fait un théâtre de guérison chez les Attikameks, pour lutter contre la violence et les abus, pour brandir une conscience collective» Les trois spectacles créés – dont Sakipitcikan, présenté à Montréal, Sept-Îles, La Tuque, Amos et Québec – laissent Yves Sioui Durand et sa compagne, la comédienne Catherine Joncas, exténués. «Cette expérience m’a permis d’entreprendre une profonde réflexion sur la fonction du théâtre dans la société, ainsi que sur les conditions de vie dans les communautés autochtones. Je me suis demandé: "Où en sommes-nous, nous les Amérindiens, à l’aube de l’an 2000?"»

De cette grande question est issu Iwouskéa et Tawiskaron, une ouvre collective inspirée du mythe iroquois de la création du monde. «Les mythes amérindiens, ce sont un peu nos Grecs à nous», illustre le dramaturge. Sous une tente pouvant accueillir 40 spectateurs, deux frères ennemis se livreront à un affrontement sous l’oil intéressé de la Grande Faucheuse. «L’émotion devant la mort fait de nous des humains mais, aujourd’hui, la mort est extrêmement banalisée, croit Sioui Durand. On est de moins en moins en contact avec nos morts, et pourtant, la mort est connaissance, elle éclaire l’humanité.»

Inspiré d’un mythe qui aurait été couché sur papier au début du siècle,Iwouskéa et Tawiskaron est, selon ce pionnier du théâtre, une création dont la portée est universelle. «Est-ce que l’expérience millénaire des Iroquois en cette terre d’Amérique peut nous être utile? Est-ce que nous, les autochtones, avons toujours une culture universelle? Et surtout, est-ce que le monde des Iroquois peut nous aider à devenir plus humain?», s’interroge celui qui veut créer, avec ce spectacle, un pont entre le FTA (où les billets pour les cinq représentations sont tous vendus) et le festival autochtone Terres en vue.

Un peu comme les soixante-huitards qui scandaient «sous les pavés, la plage», Sioui Durand rappelle que «sous la cité, il y a la terre». Il invite les amateurs de théâtre à redécouvrir cette terre en s’ouvrant sur l’Amérique. «Je considère que ce récit est une matrice culturelle. Mon but est de prendre les spectateurs au piège, de les amener à l’intérieur de ce ventre et, peut-être, d’arriver à en faire des Iroquois.»

Dans le cadre du FTA
Au Théâtre du Maurier
Du 1er au 5 juin (complet)

Dans le cadre du Festival Terres en vue
Au Théâtre du Maurier
Du 8 au 19 juin