Scène

Festival Fringe : Théâtre sans frontières

Expérimental jusqu’au bout des ongles, le FRINGE est un pendant joyeusement bordélique
au plus sélectif Festival de théâtre des Amériques. Triste constat, cependant: seules trois productions sur soixante et une sont offertes dans la langue de Molière.

Avis aux amateurs de théâtre hors norme, le festival Fringe est de retour pour une neuvième année consécutive. «Le Fringe est le seul festival de théâtre annuel à Montréal», s’exclame avec fierté le grand manitou de l’événement, Jeremy Hechtman. S’il débute moins d’un mois après le très sélectif Festival de théâtre des Amériques, le Fringe en est en quelque sorte, avec ses 300 représentations, un pendant joyeusement bordélique.
Parmi la vague de spectacles qui déferlera sur la ville du 18 au 27 juin, la coproduction franco-québéco-malienne Une hyène à jeun pourrait être «la» perle à découvrir. Présenté au Festival de Théâtre des Réalités de Bamako, en décembre dernier, repris à Abidjan (où il a remporté le prix UNESCO pour la promotion des arts), puis au Centre national des arts d’Ottawa au début juin, ce drame historique de Massa Makan Diabaté n’a recueilli que des éloges sur son passage.

À la fois griot et intellectuel formé à l’étranger, le dramaturge malien Massa Makan Diabaté, mort il y a dix ans, s’est inspiré de récits racontant le conflit entre Samory Touré et l’armée coloniale française pour écrire une tragédie universelle sur le pouvoir. L’action se déroule au lendemain de la signature, en 1886, d’un traité de paix controversé, alors que le roi Touré doit choisir lequel de ses deux fils préférés ira en France «percer le secret des Blancs», pour ensuite lui succéder à la tête de l’empire Wassoulou. Coup de théâtre, le fils désigné reviendra de son périple résolu à faire la paix avec l’envahisseur. Ces visées pacifistes lui coûteront la vie.

Cette fresque à grand déploiement est interprétée par douze comédiens et musiciens maliens, dirigés par les metteurs en scène Patrick Janvier (de France) et Marcela Pizarro (du Québec), et coproduite par les compagnies Acte SEPT (Mali), EnsembleSauvagePublic (Québec) et Les Voix du Caméléon (France). Les représentations auront lieu en plein air, sur le campus de l’Université McGill, dans un campement circulaire regroupant trois espaces scéniques, des tentes et des feux de camp. Dépaysement garanti…

Eros et compagnie
D’autres belles surprises attendent les festivaliers. Du ventriloque au stand-up comic, en passant par la danse japonaise érotique, le Fringe 99 offre de tout, pour tous. S’il est difficile de prévoir quels seront les musts de ce fourre-tout artistique, les extraits présentés lors de la soirée d’avant-première révèlent que l’humour et le sexe seront à l’honneur, notamment dans les pièces aux titres évocateurs Carl Rosensweig, How Was Your Vasectomy et Everybody’s Fucking But Me… Mentionnons aussi la présentation d’une pièce de Dario Fo, Le Tigre, par le Théâtre du Risorius, ainsi que l’offensive japonaise en danse, avec des chorégraphies de Mari Osanai, Kumiko Yamagucchi et Shakti.

En tout, 61 troupes se sont insérées dans la grille-horaire de l’édition montréalaise de cet événement né à Édimbourg. Rappelons les règles du jeu: les spectacles sont sélectionnés à partir d’un seul critère: «premier arrivé, premier servi». Les artistes remplissent un formulaire, paient entre 365 $ et 465 $ et peuvent ensuite jouer sans tracas administratif, tout en gardant l’argent de la vente des billets (offets à neuf dollars ou moins).

Rendez-vous annuel à la santé financière fragile, le Fringe respire un peu mieux cette année grâce à un budget de 100 000 $, soit environ 10 000 $ de plus que l’an dernier. De retour sur le Plateau Mont-Royal après un séjour de trois ans autour du campus de l’Université McGill, le Fringe se déroulera dans cinq salles, auxquelles s’ajoutent une scène extérieure et la traditionnelle tente à bière, situées aux abords du boulevard Saint-Laurent, près de la rue Napoléon. Avis aux curieux: il y a des spectacles de midi à minuit, tous les jours, et des représentations sont aussi prévues entre deux et trois heures du matin, au Building Danse. Triste constat, cependant: seules trois productions seront offertes dans la langue de Molière.

Expérimental jusqu’au bout des ongles, ce festival des arts de la scène propose aussi une pièce dans une salle de billard, un jam de bande dessinée et un marathon d’écriture de pièces, qui seront présentées le lendemain. Pour la première fois, des billets sont en vente aux guichets du réseau Admission, ainsi que sur le site Web de la billetterie (mais non par téléphone). Que les habitués se rassurent, explique le producteur Jeremy Hechtman, la moitié des billets ne sera vendue qu’à la porte de la salle, une heure avant le spectacle, histoire de conserver le côté spontané de l’événement. «Si tous les billets étaient vendus à l’avance, ce ne serait plus le Fringe…»

Une hyène à jeun
Les 18, 19 et 20 juin à 21h (le 21 juin en cas de pluie)
Campus de l’Université McGill
Festival Fringe
Du 18 au 27 juin
Info-Festival: 849-FEST