Arturo Brachetti : La grande illusion
Avec Arturo Brachetti, on est vraiment dans le royaume de l’illusion. Ainsi, sur papier, le Festival Juste pour rire n’a rien ménagé pour faire de cette création «mondiale» une réussite, réquisitionnant toute une armada de concepteurs prestigieux (dont le directeur sortant du Quat’Sous, Pierre Bernard, à la direction artistique) pour entourer l’artiste italien, annoncé comme un véritable phénomène.
Et effectivement, des talents, le performer trilingue qu’un rien habille en possède beaucoup, si l’on en juge par son one man show (habité par tant de personnages) présenté à la salle Pierre-Mercure. Acteur, humoriste, magicien (il y a toujours d’invraisemblables choses qui émergent de ses poches, de sa bouche, de ses vêtements), et hallucinant «transformiste», Brachetti a l’art de se métamorphoser en un tournemain, sous les yeux d’un public mystifié et ébloui. Malheureusement, le contenu du spectacle n’est généralement pas à la hauteur des dons du virtuose. L’habit ne fait pas le moine…
Empruntant aux variétés, au burlesque, aux shows de «drag», voguant du film à la scène, de monologues aux numéros, le spectacle mis en scène par Serge Denoncourt – qui en est manifestement à son premier contact avec le genre – souffre d’éparpillement. De beaux flashs de poésie naïve cohabitent avec un humour gentil, voire facile, en manque de raffinement.
Cousu de fil blanc, l’enrobage narratif du spectacle, qui tente d’apporter une cohésion à l’ensemble, tombe à plat. Sa dimension pseudo-existentielle, quête identitaire de «l’homme aux mille masques», paraît lourde et artificielle. Quant à la caution autobiographique, qui sert à introduire les numéros, elle nous vaut des interventions filmées de la familia d’Arturo (personnifiée par Brachetti, toujours), guère drôles, et qui brisent régulièrement le rythme et la magie intermittente du show.
Ces moments où Brachetti donne sa pleine mesure. Quand il incarne les quatre saisons et fait voler flocons et fleurs; quand il joue tous les acteurs d’un western parodique et muet; quand, en Pierrot, il fait voleter un bout d’étoffe blanche tel un papillon; quand il projette sur un écran tout un zoo en ombres chinoises.
Ce caméléon de haut vol nous laisse souvent baba (mais comment fait-il?), lui qui peut changer de couleur de tuxedo, le temps pour James Bond de tirer quelques coups – de feu, bien sûr… Mais même ses confondants exploits vestimentaires ne suffisent pas toujours à susciter l’émerveillement. Passer, l’espace d’un soupir, de Scarlett O’Hara à Julie Andrews (sur fond de lip-sync) à… King Kong (je résume) peut relever de la prouesse physique, d’une sophistiquée mais inutile parade de costumes, comme dans cet hommage, impressionnant mais vide, à Hollywood. Il faut habiller ce bal costumé d’un peu plus de souffle artistique et de finesse comique.
En fin de spectacle (la seconde partie est généralement supérieure à la première), le clin d’oil à ce magicien qu’était Fellini, avec ses saltimbanques, son évocation touchante de Giulietta Massina dans La Strada, sa robe pourpre de cardinal qui se gonfle en chapiteau de cirque, ses créatures colorées, se révèle le clou de la soirée. Un petit moment de grâce qui devient l’aune à laquelle on juge ce show longuet et en dents de scie, qu’on aurait aimé toujours autant chargé de poésie lunaire. C’est le moins que mérite l’étonnant talent d’Arturo Brachetti, ici dilué.
Jusqu’au 25 juillet
À la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
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