Scène

Slava : Théâtre du monde

Le clown russe SLAVA arrive à Montréal avec Snowshow, un spectacle acclamé en Europe et en Amérique du Nord. Un mélange de Chaplin, de Beckett et du Cirque du Soleil.

Je pensais retrouver Slava Polounine dans un atelier de Soho, au milieu des costumes et des échafaudages. Il a plutôt installé ses pénates dans une chic maison d’un quartier huppé du Nord de Londres. À l’extérieur, des sculptures en papier mâché, confectionnées pour son prochain spectacle, jonchent le jardin. Près de l’entrée, une grosse tête de mort accueille le visiteur…

À l’intérieur, plus de livres que de meubles. Les maîtres russes – Gogol, Dostoïevski et Tolstoï – sont bien en vue. Car, pour ce clown, l’humour, c’est sérieux. «Quand je faisais des spectacles ou des émissions de télé en URSS, avant la chute du communisme, je pouvais exprimer des choses qu’un acteur ou un chanteur n’auraient jamais pu dire sur scène ou à la télévision d’État. Les dirigeants soviétiques ne censuraient pas un "art enfantin" qu’ils ne prenaient pas au sérieux.»

Résultat, au début des années 80, Slava, et son personnage de clown tragicomique qui jouait sur le double sens des mots et des symboles, est devenu aussi populaire qu’une vedette rock dans son pays.

Plus tard, Slava s’exilera de sa Russie natale.\«Si la vie est vagabonde, la mémoire est sédentaire», disait Paul Valéry. Le clown va alors communiquer son état d’esprit au reste de l’Occident, avec la douce mélancolie propre à son peuple. Et peaufinera son art en toute liberté.

«Pour moi, le clown incarne la liberté totale, dit Slava. C’est un joyeux anarchiste. Comme un enfant, il vit dans l’instant présent et recherche constamment l’attention. Par définition, un clown c’est toujours imprévisible. Il oublie ce qu’il faisait une minute auparavant. C’est pour cela qu’un metteur en scène ne peut pas diriger un clown. Il parvient seulement à le faire monter sur scène pour le regarder aller.»

Art poétique
Dans la grande tradition européenne de l’art du clown et du cirque, Slava est un maître. À l’instar de Marcel Marceau, Jacques Lecoq ou Étienne Decroux pour le mime, Slava a développé un nouveau langage à partir d’un art jugé obsolète. Fusionnant l’imagerie du théâtre visuel à l’art clownesque classique, Slava se définit comme un clown métaphysique! Un funambule fin de siècle qui puise autant dans la philosophie, que dans la poésie, ou la sociologie.

Inspiré des grands noms de la création scénique contemporaine, de Pina Bausch à Robert Wilson, Slava a aussi étudié les gourous du théâtre – Stanislavski, Artaud, Grotowski… avant d’établir son propre système esthétique. En Europe, il a fait école. À la manière d’Ariane Mnouchkine, il enseigne aux élèves de sa troupe – qu’il appellera ses disciples au cours de l’entrevue… – l’art clownesque.

Le clown met la barre très haut. Et son plus célèbre spectacle, Snowshow, semble répondre à ses ambitions artistiques. Les critiques n’ont pas été déçus: «Un moment théâtral d’une rare beauté, a écrit le journaliste du Times de Londres, qui a vu Snowshow trois fois. Il a d’ailleurs qualifié Slava \«d’un des plus grands clowns vivants»!

C’est ce spectacle, créé en Russie à l’été 1993, que Slava, en compagnie de six autres comédiens, présentera au TNM, dès le 21 juillet, dans le cadre du Festival Juste pour rire. Bien qu’ayant tourné dans plusieurs villes d’Europe et d’Amérique du Nord, Slava ne s’était jamais produit à Montréal. Toutefois, il connaissait notre ville puisqu’il avait été de la création d’Alegria du Cirque du Soleil en 1994.

Après avoir tenu l’affiche du Piccadilly Theatre dans West-End, au printemps dernier, Snowshow lorgne vers Broadway (le passage par le Festival de Rozon, en ce sens, n’est pas innocent). Mais l’artiste ne fera pas n’importe quel compromis pour aller jouer au cour de la Grosse Pomme. Il a mis les freins sur Broadway, jugeant que les producteurs se mêlaient un peu trop du contenu de sa création. «Les producteurs veulent un show fini, précis, toujours pareil d’une représentation à l’autre. Or, pour moi, chaque représentation est unique. En trois ans, 8o % d’un spectacle peut changer!?»

Cela fait le charme de Snowshow. Dans le dossier de presse, chaque journaliste y va de ses références et de ses comparaisons. Certains qualifient la création de Slava Polounine de surréaliste ou d’absurde. D’autres la comparent aux pièces de Tchekhov, aux films de Chaplin, ou aux shows du Cirque du Soleil. \«J’aime bien que les spectateurs soient actifs en regardant mes spectacles. Je les pousse dans une direction, mais ils doivent choisir leur propre chemin. Finalement, chacun se construit ses propres images.»

Dès le 21 juillet
Au Théâtre du Nouveau Monde
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N. B. Ce spectacle est déconseillé aux enfants de moins de huit ans.