Le 31 décembre 1999, un grand spectacle marquera le passage du millénaire sur les Champs-Élysées à Paris. De l’opéra à la danse, des créateurs de tous les domaines participeront au méga-événement. Ultime honneur, les organisateurs ont reconnu le théâtre de rue comme une discipline artistique à part entière.
«C’est une grande victoire pour les artistes de la rue», explique Michel Denis de la
compagnie marseillaise Générik Vapeur, qui sera à Montréal, avec 25 autres troupes recrutées partout dans le monde, pour le Festival Juste pour rire.
En France, le théâtre de rue fait vivre des milliers d’artistes durant la belle saison. Une cinquantaine de troupes professionnelles reçoivent des invitations des festivals et des municipalités pour présenter leurs interventions publiques. Ces jours-ci, la troupe Royal de Luxe anime la place du Palais des Papes avec une création de son directeur, Jean-Luc Corcoult, dans le cadre du prestigieux Festival d’Avignon. Le théâtre de rue a même son Centre National à Marseille, Lieu Public, sous la direction de Michel Crespin.
Au Québec, bassin de population et maigres subventions obligent, cette forme d’art reste toujours marginale. Mais, depuis quelques années, de plus en plus d’animateurs culturels prennent le chemin du théâtre de rue. Comme en témoignent le Festival de théâtre de rue de Shawinigan (dont la 3e édition se tiendra du 6 au 8 août) et le Festival Juste pour rire qui est devenu une référence nord-américaine en la matière.
Durant l’année, les deux responsables de la programmation extérieure de Juste pour rire, André N. Pérusse et Luce Rozon, sillonnent le globe et courent les festivals spécialisés à l’affût des numéros les plus drôles et des nouvelles tendances de l’art de la rue, À chaque édition, le contigent de la rue prend de l’ampleur. Du 15 au 25 juillet, plus de 500 artistes exécuteront près de 200 performances quotidiennes pendant onze jours. Clowns, musiciens, plasticiens, mimes, saltimbanques, magiciens et comédiens feront du Quartier Latin un gigantesque théâtre à ciel ouvert! En tout, le budget du Festival consacré au théâtre de rue dépasse 2 millions de dollars.
En ouverture du Festival Juste pour rire, la compagnie Transe-Express illuminera le ciel du Quartier Latin, du 15 au 17 juillet. Gilles Rhode, membre fondateur de la troupe installée depuis 13 ans à Crest, dans la Drôme, a créé Les Maudits Sonnants. Poésie céleste et fantaisie urbaine, ce spectacle tout simplement féerique a conquis le public européen. Pas moins de 17 personnes participent à Maudits Sonnants, dont quatre techniciens. À la fois funambules, musiciens, comédiens et voltigeurs, les interprètes de Transe-Express sont installés dans des nacelles en forme de fleurs métalliques. La structure, une sorte de mobile géant ou de carrousel humain, est accrochée à une grue s’élevant à 45 mètres au-dessus du sol. Trois acrobates exécutent des pirouettes dans les airs tandis que les autres interprètent la musique de Didier Capeille: un canon, une ritournelle, un menuet et une tarentelle.
Tout cela donne de magnifiques images pour les spectateurs qui, les yeux rivés sur le ciel, oublient, l’espace d’un instant, leurs tracas quotidiens. On pense, bien sûr, aux spectacles du Cirque du Soleil. Analogie que Brigitte Burdin, directrice artistique de Maudits Sonnants et cofondatrice de Transe-Express, accepte volontiers: Franco Dragone, metteur en scène d’Alegria et de plusieurs shows du Cirque, a travaillé avec Gilles Rhode, dans les années 70, en France. C’est la première fois que Transe-Express traverse l’Atlantique. «C’est une ouverture, c’est génial», dit Burdin. Pour celle-ci, ¬«le théâtre de rue, c’est la confrontation de tous les milieux, les classes et les groupes sociaux. C’est un grand art de retenir ce public qui n’est pas captif comme dans une salle de théâtre.?»
«L’idée, c’est de perturber l’ordre de fonctionnement urbain pour faire redécouvrir l’architecture de la ville aux gens», ajoute Michel Denis, l’administrateur de Générik Vapeur, dont les spectacles burlesques et déambulatoires sont basés sur l’improvisation. La compagnie débarque ici avec une dizaine de comédiens personnifiant des gardes champêtres à vélo. Ces derniers, sifflet en bouche, risquent de foutre le bordel dans le Quartier Latin.
D’ailleurs, selon André N. Pérusse, le fil conducteur qui unit tous ces artistes de rue, c’est la provocation! Parmi ceux qui font partie de la programmation de rue, mentionnons le Duo Scaccipensieri, de Suisse, et leurs acrobaties roulantes; les clowns français Totors Robert; Irrwish, une troupe d’échassiers; et la compagnie Cacahuète qui propose des représentations vivantes dans les vitrines de la rue Saint-Denis.
C’est devenu une tradition: sous la direction musicale de plusieurs orchestres de tendances musicales variées, un grand bal, le dimanche 25 juillet, viendra clôturer ce 17e Festival Juste pour rire. Bon festival.
Les Maudits Sonnants
Les 15,16 et 17 juillet à 21 h 30
A l’angle des rues Berri et Ontario
La rue est à vous!
Tous les soirs jusqu’au 25 juillet de 18 h 30 à 23 h
Dans le Quartier Latin