Fin de partie : Le grand jeu
En s’attaquant à l’une des ouvres phares de Samuel Beckett, Fin de partie, le jeune metteur en scène FÉLIX LARRIVIÈRE a reconnu les préoccupations de sa génération gavée d’humour absurde. La tragédie comique.
On n’est peut-être «pas sérieux quand on a 20 ans», mais ça ne veut pas nécessairement dire qu’on n’est pas avide de substance… Pour leur premier rendez-vous professionnel avec les planches, les jeunes membres de Doggo, tous formés au collège Lionel-Groulx, ont choisi Fin de partie, de Beckett. Rien de moins que l’une des ouvres phares de l’icône de la dramaturgie du XXe siècle.
«C’est une idée un peu folle, effectivement, reconnaît en riant Félix Larivière, qui s’est chargé de la mise en scène de la pièce. Je m’attendais à la question… Je suis tout à fait conscient que je m’attaque à un monument. Et je sais que pour une première mise en scène, c’est périlleux. En même temps, je l’approche avec une certaine humilité. C’est un texte qui m’a touché, j’ai senti le besoin de travailler là-dessus; je n’ai pas la prétention de réinventer Beckett avec l’idée de l’année. C’est plus dans l’intention de fouiller ça, de voir ce qu’on pouvait en faire émerger ensemble. On prend ce risque parce que c’est un texte qu’on est prêt à défendre.»
En fait, le projet origine d’un exercice d’éclairage fait par Félix Larivière au collège, sur une scène de Fin de partie. Dix petites minutes qui ont suffi à attirer plusieurs commentaires élogieux et à allumer une étincelle… Plusieurs mois plus tard, la pièce continuant de lui trotter dans la tête, le diplômé en conception a mis en branle le projet, qui a entraîné la création de la troupe.
Reste que c’est autre chose d’aborder si tôt cette ouvre crépusculaire, qui met à nu, dans un univers de fin du monde, la condition humaine, devant la finalité dernière…
«Je pense que c’est ça aussi qui est intéressant: de voir quel niveau on peut attraper et l’interprétation qu’on peut en tirer, rétorque le metteur en scène recrue. C’est un texte qui soulève de grandes questions, peut-être un palmarès des plus grandes questions existentielles. Dans Fin de partie, Beckett interroge beaucoup notre quotidien, nos quêtes personnelles, ce qu’on fait chaque jour sans se poser de questions: à quoi ça mène, pourquoi on court après telle affaire, est-ce que ça a vraiment un sens?…
«C’est sûr qu’il parle de la mort, poursuit le metteur en sène, mais aussi de l’importance de chaque jour avant d’en arriver là. Je pense qu’on devrait avoir droit à des questions aussi fortes de temps en temps dans notre vie. Alors, on s’est donné la chance de se les poser à 20 ans. Et peut-être qu’un jour, à 45 ans, on se les reposera…»
En même temps – l’auteur d’En attendant Godot jouant sur un équilibre entre l’absurde et le désespoir -, cette production ne misera pas trop sur l’approche existentielle. «On garde la trame tragique, mais on penche plutôt vers le côté comique. On s’est aperçu tranquillement que la dimension vaudevillesque était la plus efficace. La profondeur du texte est là, et je pense que juste de l’entendre, c’est déjà beaucoup. On ne va pas renchérir par-dessus. Ça va être drôle, mais avec des moments où le public va pouvoir décrocher un peu et avoir du recul.»
Finalement, ces rejetons d’une génération gavée d’humour absurde ne devraient pas avoir trop de mal à y baigner à l’aise…
Du 4 au 15 août
À l’Espace Geordie
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