Giacobbe : Art poétique
Scène

Giacobbe : Art poétique

Après le succès d’Icaro, l’Usine C présente, Giacobbe, une deuxième pièce de DANIELE FINZI PASCA. Un clown tragi-comique qui à l’âme à la tendresse.

Les clowns ont la cote actuellement au théâtre. Les deux succès de l’été, à Montréal, sont des spectacles clownesques: Snowshow, du créateur russe Slava Polounine; et les prouesses du transformiste italien Arturo Brachetti. Bien que de genre différent – l’un absurde, l’autre, de variétés – ces deux événements ont conquis aisément le coeur du public.

Signe des temps? Alors que notre monde semble condamné à devenir trop sérieux, les clowns tournent tout au ridicule. Dans une société de plus en plus sophistiquée, ils font un pied de nez aux réalités virtuelles et autres techno-tics en disant les choses simplement. Très simplement.

Avec un art plus poétique que spectaculaire, le Suisse Daniele Finzi Pasca participe à cette vague clownesque qui s’abat sur Montréal. Son one man show, Giacobbe, à l’affiche de l’Usine C depuis mardi dernier, fait aussi partie du monde de la clownerie. Mais, contrairement aux clowns typiques, Finzi Pasca semble plus préoccupé de trouver un langage scénique original et personnel que de faire rire la galerie. Ce n’est pas un hasard si le clown se produit, pour la deuxième fois, à l’Usine C, résidence de la troupe Carbone 14, qui, avec Gilles Maheu, a réinventé le langage scénique au Québec.

Depuis 16 ans, Daniele Finzi Pasca dirige le Teatro Sunil, en Suisse. Un «laboratoire de recherche dédié au personnage du clown», reconnu à travers le globe. Le nom de Sunil évoque un enfant indien que Finzi Pasca a accompagné jusqu’à la mort.

Créé en 1995, à Neuchâtel, en Suisse romande, dans sa version française, puis à Lugano, en italien, Giacobbe fait partie «d’une \trilogie de monologues pour un seul spectateur» sur le thème de la fuite, écrite et mise en scène par Finzi Pasca (le premier opus, Icaro, a été présenté en août 1998, à l’Usine C).

Après un prologue effectué sous une cuirasse «pour se protéger du public», le comédien choisit un spectateur au hasard dans la salle pour lui servir de partenaire scénique. Ce dernier se voit confier le rôle d’un cheval, puisque Finzi Pasca va raconter l’histoire d’un cheval malade, «en dépression» – eh oui! les chevaux font aussi des dépressions. Le rideau se lève sur un décor poussiéreux, sur lequel le temps a laissé ses traces. Au fil de son histoire, le comédien nous parlera de son père, de souffrance, de tristesse, et de la mort. Il racontera même comment il visualise ses propres funérailles, grandioses, où tous ses ennemis seront présents, car «nos ennemis n’ont jamais d’excuses pour manquer un rendez-vous»…

Avec Finzi Pasca, nous sommes dans l’univers de l’allégorie. Tout dans Giacobbe est prétexte aux images et aux symboles. Une lumière, une réplique, un accessoire (une cage, une carotte, une nappe ou une sphère)… Nous nageons aussi en pleine tragi-comédie, car chaque pitrerie du clown ne fait que masquer ses blessures et ses souffrances profondes.
Moins émouvant, plus approximatif au niveau de la mise en scène, et contenant davantage de longueurs qu’Icaro, Giacobbe n’en reste pas moins un spectacle à voir. Surtout pour le charisme fou de cet acteur italophone qui, dès son prologue, crée une remarquable empathie avec le public. Car Finzi Pasca a une tendresse qui inonde ses yeux, son visage et tout son être. Jusqu’à ses fautes de français que le comédien parvient à rendre belles et poétiques.

Cet artiste nous touche justement parce qu’il tire sa force de sa vulnérabilité. À la fin, quand, sur scène, il se love sur le spectateur élu, comme «pour remonter sur les genoux de son père» disparu, un frisson envahit la salle. Si les clowns peuvent nous apprendre quelque chose, c’est bien que le théâtre est un refuge de la chaleur humaine.

Jusqu’au 5 septembre
À L’Usine C
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