Markita Boies : À tour de rôles
Scène

Markita Boies : À tour de rôles

Après plus d’un an à Paris, où elle a joué sur les Champs-Élysées, MARKITA BOIES revient chez Duceppe dans une création québécoise. Avec un rôle qui lui ouvre de nouvelles portes.

Ça devait bien lui arriver un jour. Tôt ou tard, aucune comédienne n’y échappe… Pour Markita Boies, ce fut au début de la quarantaine, après 20 ans de carrière et plusieurs rôles de délinquante, de rockeuse et de marginale. En janvier dernier, le metteur en scène Marc Grégoire lui a demandé de lire Le Soir de la dernière d’Isabelle Doré. La comédienne ne voyait pas de personnage pour elle dans la pièce. Sauf, peut-être, celui d’une mère de deux enfants de 15 et 18 ans.

«Moi, l’éternelle adolescente, je vais jouer une maman! Je ne le crois pas encore. Durant les répétitions, je regarde mes deux filles et je m’imagine à leur place. Au début, ça m’a fait un petit pincement au coeur. Je me disais: c’est fini, les héroïnes au théâtre. Mais, au contraire, je réalise que ce nouveau casting peut m’ouvrir plein de possibilités.»

Il faut dire qu’on n’a pas confié n’importe quelle mère de famille à Markita Boies. Dans Le Soir de la dernière, où elle partage l’affiche avec Marie-Hélène Thibault, Jacques Lavallée, Marc Legault, Caroline Roberge et Lénie Scoffié, dès le 8 septembre, chez Duceppe, elle interprète une comédienne très excentrique.

La scène se passe en 1970, à Montréal, en pleine Crise d’octobre. Cassandre (Marie-Hélène Thibault), la plus vieille des deux filles, traverse une crise d’identité profonde. Entre un grand-père dépressif et vieillissant, une soeur mythomane et une mère froide, Cassandre doit prendre conscience qu’elle arrive à un tournant de sa vie. En fait, la toile de fond de la pièce est ce climat de crise qui affecte intérieurement tous les personnages. Même celui, autoritaire, de la mère.

«Elle a une imagination incroyable, doublée d’un gros ego, explique Markita Boies, à propos de la mère de Cassandre. Sur scène comme dans la vie, cette femme est toujours en représentation. Or, c’est pour mieux cacher ses failles, son insécurité. On sent qu’elle a ramé dur pour se rendre là où elle est.»

Rien de surprenant lorsqu’on sait que le coloré personnage du Soir de la dernière partage sa vie entre la carrière exigeante, deux adolescentes et une idylle avec un amant français. «Ce n’est pas le genre d’actrice qui aurait été de la création des Belles-Soeurs en 1968… dit en riant Markita Boies. Elle joue plutôt dans des téléthéâtres, des classiques. À l’époque, il y avait des comédiennes qui se mettaient de l’ombre à paupières et des faux cils pour aller faire une postsynchro à Radio-Canada! Ça existait!»

L’auteure Isabelle Doré, dont la pièce précédente, César et Drana, a été créée en 1994 au Théâtre d’Aujoud’hui, est aussi la fille de la comédienne Charlotte Boisjoli. Mais Markita Boies n’a pas voulu imiter Charlotte Boisjoli ou une autre comédienne populaire à l’époque. «Je me suis servie de mes propres défauts pour composer mon personnage. C’est une caricature de comédienne. Pas la biographie d’une actrice.»

Pas toujours facile, d’ailleurs, la vie d’actrice. À l’hiver 1998, saturée après avoir aligné quatre pièces de suite, Markita Boies est allée travailler à Paris «avant de virer folle»… \«C’est Daniel Roussel qui m’a demandé si j’étais libre pour travailler avec lui dans Le Visiteur d’Éric-Emmanuel Schmidt. Je devais partir trois mois… Mais la pièce a tenu l’affiche un an et demi au Théâtre Marigny et en province. Toutefois, je considère ça comme une sabbatique (j’avais un petit rôle) avec des conditions idéales: j’étais payée pour jouer sur les Champs-Élysées, dans un show qui marchait très fort, et avec une si belle gang (Tom Novembre, Rufus…)! C’est un cadeau extraordinaire.»

Pour l’instant, Markita Boies n’a pas l’intention de percer le marché parisien. Elle retournera en France, en juillet prochain, pour participer au Festival d’Avignon. Mais dans une production québécoise dont les détails sont sous embargo. «Paris, c’est impitoyable, dit-elle. Quand un show fonctionne, les acteurs roulent sur l’or. Mais si le spectacle ne décolle pas, oublie ça!»
Ce qu’elle retient le plus de son expérience dans l’Hexagone, c’est la perception des Français relativement aux acteurs québécois. «Tous les Français tombaient à la renverse quand ils venaient me voir dans les loges et découvraient que j’étais canadienne:

– Mais comment faites-vous, mademoiselle Boies, pour jouer sans accent?

– Vous savez quand on monte Racine, à Montréal, les acteurs jouent sans accent…

– Ah oui, Racine, forcément!»

Comme quoi, le mythe de la cabane au Canada fleurit toujours sur les Champs…

Dès le 8 septembre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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