Lucie Bazzo : Sortir de l'ombre
Scène

Lucie Bazzo : Sortir de l’ombre

La conceptrice d’éclairages LUCIE BAZZO propose le premier spectacle de la rentrée en danse, entourée de six excellents interprètes et chorégraphes.

Lucie Bazzo le dit sans détour et avec une certaine fierté: son projet Luminosités variables, qui sera à l’affiche de l’Agora de la danse, du 15 au 25 septembre, c’est du jamais vu! Bien sûr, il y a eu par le passé des danseurs qui ont invité des chorégraphes à créer pour eux à partir d’une musique imposée. Mais une éclairagiste faisant appel à trois chorégraphes pour la création de solos différents tout en leur imposant une même lumière et une même musique, ça, jamais! «D’habitude, c’est le processus inverse: les éclairages et la musique viennent une fois la conception terminée», explique-t-elle.

Ce projet, elle le porte en elle depuis deux ans. Mais ce n’est qu’au printemps que la lumière a été jetée sur papier, avec comme musique de fond, du celtique, du classique et du techno. Une fois son plan terminé, elle a expédié la cassette musicale au compositeur Michel F. Côté, qui s’en est inspiré pour la création de la trame sonore du spectacle. Finalement, à la fin août, les chorégraphes Sylvain Émard, Catherine Tardif et Louise Bédard se mettaient au travail. La seule marge de liberté possible pour eux: le choix de l’interprète. Le premier a choisi Paryse Mongrain; la seconde, Marc Boivin; et la dernière, Marc Béland. «J’avais besoin de chorégraphes expérimentés capables de monter un solo en peu de temps», dit Lucie Bazzo.

Dire qu’au départ, rien ne prédisposait cette scénographe, qui a appris le métier d’éclairagiste sur le tas, à évoluer en danse. «Adolescente, je détestais la danse pour mourir. C’était hermétique.» Au début des années 90, après avoir signé quatre conceptions de lumière pour le metteur en scène Robert Lepage, Lucie Bazzo s’est forgé une réputation «d’éclairagiste de lieux non conventionnels». La chorégraphe Jocelyne Montpetit lui proposa de collaborer à son spectacle Corps en fuite, au Lion d’or. Depuis, ses éclairages ont inondé des dizaines d’oeuvres de chorégraphes autant aguerris que débutants. «Je suis curieuse de nature, raconte Lucie Bazzo. Jusqu’à présent, j’ai peut-être refusé deux conceptions. C’est sûr que mon opinion sur la danse a changé depuis 20 ans. Aujourd’hui, plusieurs chorégraphes me touchent.»

Est-il frustrant de voir son travail passer souvent inaperçu aux yeux du public? «L’important, ce n’est pas de se démarquer, mais de faire partie de la pièce.» Contrairement à son collègue Axel Morgenthaler, remarqué pour ses lumières audacieuses, Lucie Bazzo préfère, elle, des lumières moins spectaculaires, certes, mais empreintes d’une grande sensibilité. N’empêche que pour son projet, elle s’est payé la traite en investissant une bonne partie de sa bourse dans la location de projecteurs mobiles et robotisés, si populaires dans les shows rock. Malgré l’artillerie lourde, la conceptrice est restée fidèle à elle-même. Luminosités variables est doté d’une lumière qui ondule de la pénombre à la clarté.

À deux semaines de la première, Lucie Bazzo a un bon aperçu du spectacle. «Louise laisse beaucoup Marc improviser. C’est après qu’elle resserre. Sylvain, lui, est plus structuré. À la première journée de travail, il avait déjà bouclé une série de mouvements. Quant à Catherine, c’est la moins stressée des trois. Son travail est habituellement insolite. Elle a souvent travaillé avec des comédiens. Imagine, elle a déjà fait danser Raymond Lévesque.»

Chose certaine, Lucie Bazzo attend avec impatience la première. Jusque-là, il n’est pas question pour elle de toucher à la lumière originale. «Il y a un petit côté satisfaisant à ce projet… D’habitude, je me plie aux exigences des chorégraphes. Même si j’ai parfois envie de modifier mon plan, c’est important de rester fidèle au concept original.»

Du 15 au 25 septembre
À l’Agora de la danse

Giselle déménage
En raison de la grève des techniciens de la Place des Arts, les Grands Ballets Canadiens démarreront leur saison au Théâtre Denise-Pelletier. Du 9 au 15 septembre, la compagnie y dansera le ballet romantique Giselle. La danseuse étoile du Royal Winnipeg Ballet Evelyne Hart incarnera à trois reprises l’héroïne de cette histoire d’amour aux accents surréalistes. Les soirs suivants, elle passera le flambeau aux talentueuses Anik Bissonnette et Andrea Boardman. Les GBC présenteront une adaptation de Giselle signée par un ex-danseur du New York City Ballet, Id Anderson.

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Marc Béland

Les anciennes amours
Dix ans après son départ de La La La Human Steps, le comédien Marc Béland redevient danseur. Il sera l’interprète du court solo de Louise Bédard à l’intérieur du projet de Lucie Bazzo, la semaine prochaine. S’il a accepté l’invitation, c’est davantage par intérêt que par ennui de la danse.

Le comédien réputé pour être extrêmement exigeant envers lui-même s’est pour une fois montré clément. C’est que la nature \«spontanée» du projet prêtait davantage à la légèreté qu’aux angoisses. «Je trouvais le concept de Lucie intéressant. J’aimais l’idée de répéter 20 heures par semaine pendant trois semaines.» Pour lui, cette excursion en danse a rapidement pris l’allure d’une évasion. «Ce travail me libérait l’esprit des occupations qui me trottent habituellement en tête», confie-t-il.

N’empêche que le retour à ses anciennes amours ne s’est pas fait sans douleur. L’artiste ne s’étant pas entraîné depuis son départ de La La La, il a mis en garde Louise Bédard contre sa forme déclinante. «Tu es comédien, c’est ce qui m’intéresse», lui a-t-elle répondu tout de go. Plus tard, quand la chorégraphe a demandé à Béland de lire un texte pendant sa performance, ce fut à son tour d’être sans détour: «Pas vraiment!» Et pourquoi donc? «J’avais envie de faire une mise au point, de savoir où mon corps en est rendu.»

Chose certaine, même si, après Luminosités variables, il retournera au théâtre, Marc Béland a le goût de revenir à l’entraînement physique. Car, malgré ses airs juvéniles, le comédien n’a plus vingt ans!