EnsembleSauvagePublic : Tout petit, la planète
Les membres de l’EnsembleSauvagePublic sont des citoyens du monde incapables de rester en place. Ils ont à peine trente ans, des fourmis dans les jambes et d’ambitieux projets plein la tête. Pour ces grands explorateurs soudés comme les doigts de la main, la démocratie, c’est du sérieux. À un point tel qu’ils en ont fait la pierre angulaire du fonctionnement de leur troupe basée à Montréal.
Martin Choquette, Cécile Lasserre, Marcela Pizarro et Louis Franck inaugurent la saison du Mai (Montréal, arts interculturels) avec Migration, une création collective tout à fait démocratique, voire un brin anarchique. Rencontrés dans un restaurant de la Main fleurant bon la charcuterie européenne, Marcela et Martin, les «délégués» de l’ESP, expliquent: «Dans Migration, nous sommes à la fois auteurs, metteurs en scène et comédiens. On porte tous les chapeaux.»
«Nous cherchions un terrain d’entente où bâtir notre création. On s’est rapidement rendu compte que nous sommes tous des migrateurs: que se soit Marcela, une néo-Québécoise d’origine chilienne, Cécile, moitié française, moitié fanadienne-anglaise; Louis, Suisse fraîchement émigré en Russie ªºª(il a fait la conception sonore du spectacle depuis sa patrie d’adoption; ou moi, avec mes fréquents déménagements», explique Martin Choquette. Les membres de la troupe ont la bougeotte mais depuis qu’ils se sont rencontrés en 1993, lors d’un stage à Cambridge auprès du Théâtre d’Art de Moscou, ils reviennent régulièrement au bercail pour travailler à leurs projets communs.
«Nous avons un bagage de connaissances solide mais aussi des rêves de création. Nous souhaitons briser les façons habituelles de faire du théâtre, remarque Marcela Pizarro. En quoi le metteur en scène aide-t-il les comédiens et en quoi casse-t-il leur créativité? Nous ne sommes pas les seuls à nous poser ce genre de questions: toute une génération de créateurs, comme Francis Monty, Wajdi Mouawad et Paula de Vasconcelos, travaille à décloisonner le rôle du metteur en scène.»
Cela fait plus de deux ans que les quatre comparses de l’ESP peaufinent leur Migration, tout en prenant part à d’autres projets. Ainsi, Marcela Pizarro a mis en scène la pièce Une hyène à jeun, une coproduction avec le Mali et la France, jouée sur trois continents par une dizaine de comédiens africains. Sans cesse interrompu, leur travail ne s’est pas déroulé sans heurts: mal à l’aise avec le texte rédigé à partir de leurs improvisations, ils l’ont laissé tomber en mars dernier. «Nous avons alors décidé d’aller chercher des moments autobiographiques», fait valoir Choquette. «D’improviser sur ce que représente la migration pour chacun de nous, ajoute sa compagne de scène. De faire naître trois personnages, qui sont des extrapolations d’une partie de nous. Cela donne quelque chose de très intime, et de très dangereux aussi.» Ces vignettes n’ont jamais été couchées sur papier et les concepteurs ont donc dû passer de longues heures en salle de répétition, question de comprendre ce spectacle aux allures d’ovni. Une chorégraphe (Marija Scekic, immigrante serbo-croate) a aussi prêté main-forte à l’ESP.
Résultat de ce remue-méninges peu banal? Un show fait de monologues, qui se déroule sur une route bordée de spectateurs, mêlant l’espagnol au français et à l’anglais. «Cette oeuvre influence ma vie. Cela me mène vers un jeu de plus en plus physique, comme si cette Migration m’amenait vers une migration dans ma façon de jouer! Ce pourrait être mon dernier show de théâtre, et mes premiers pas du côté de la danse», confie Martin Choquette.
Selon lui, le spectacle sera modifié au fil des représentations, avant de migrer vers d’autres scènes. Les membres de l’ESP souhaitent le confier successivement à des metteurs en scène de Toronto, du Mexique, du Mali et de Russie, à qui ils donneront carte blanche. «Les contacts sont faits et nous sommes prêts à partir, soutient Pizarro. Il ne nous reste plus qu’à trouver l’argent!» Un détail qui ne devrait pas empêcher les ambitieux créateurs de reprendre, sous peu, leur envol…
Au Mai (Montréal, arts interculturels)
Du 21 septembre au 9 octobre
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