Le Chemin des Passes-Dangereuses : Zone crise
Scène

Le Chemin des Passes-Dangereuses : Zone crise

Ses oeuvres sont traduites et jouées à l’étranger, et quelques-unes de ses pièces sont adaptées pour le cinéma. La saison 1999-2000, remplie de projets d’écriture et de mises en scène, est jalonnée de représentations. MICHEL-MARC BOUCHARD est un auteur qui marche et n’a pas peur des chemins sinueux.

Mardi prochain, la toute dernière pièce de Michel-Marc Bouchard, Le Chemin des Passes-Dangereuses, ouvre la saison théâtrale à La Bordée. Première oeuvre sur la «réconciliation», comme le dit l’auteur, Le Chemin des Passes-Dangereuses présente les retrouvailles de trois frères. Cette pièce porte sur la parole, sur la difficulté des hommes à communiquer, souvent coincés dans leur discours spécialisé et malhabiles à nommer les zones d’ombre qui les habitent.

Si le sujet n’est pas neuf, la facture de la pièce semble l’être. Entre ces trois frères, éloignés géographiquement et culturellement, subsiste un seul lien, opaque: le silence observé lors de la mort de leur père, qui était, lui, un poète, un homme de mots. Pendant plusieurs années, ils ont fui et enterré ce souvenir, jusqu’à ce qu’ils se redécouvrent et se révèlent, lors d’un «huis clos» étonnamment campé en pleine forêt, sur les lieux mêmes de la mort de leur père. Le passé revient sur ses pas.

Ce spectacle dérange, questionne, aux dires de l’écrivain: «Mon rôle d’artiste, c’est d’être une bombe.» Mais dans une société qui ne valorise plus beaucoup le théâtre et qui prend peu de risques dans le domaine des arts, il s’interroge sur l’efficacité du théâtre. «Il faudrait d’abord que notre propre milieu soit intéressé à changer le monde», dit l’artiste, regrettant la «suresthétisation» qu’il observe au théâtre, souvent au détriment du propos. Il critique aussi le choix des pièces qu’on présente. Sans renier les classiques, Michel-Marc Bouchard souhaiterait voir davantage de textes québécois et actuels à l’affiche, et aimerait qu’on donne la chance aux jeunes créateurs, au nez desquels il trouve qu’on ferme trop souvent la porte, faute d’argent.

Désillusion ou sagesse? Michel-Marc Bouchard ne pourrait répondre. Ces réflexions ne l’empêchent pas, pourtant, de se savoir privilégié, surtout lors des représentations de ses pièces, transformées par les metteurs en scène qui les dirigent à l’étranger: Belgique, France, Irlande, Italie, Mexique, Allemagne. Devant ce visage différent que l’on donne à ses créations, l’auteur se dit curieux, souvent étonné. En regardant ces spectacles où d’autres sociétés se reconnaissent et qui, d’une certaine façon, ne lui appartiennent plus tout à fait, il se considère comme un «passeur».

Cette distance et cette impression de redécouverte se manifestent également dans Le Chemin des Passes-Dangereuses, qui connaît déjà sa troisième mise en scène. Après sa création à la Compagnie Jean-Duceppe en février 1998, dans une mise en scène de Serge Denoncourt, la pièce a été présentée en France, la même année. Cette fois, à La Bordée, Lorraine Côté s’aventure auprès de Michel-Marc Bouchard dans cette zone dangereuse du non-dit, et de tout ce qui devrait l’être.

«Je mets au défi tous les gars de venir voir ce show-là», conclut Michel-Marc Bouchard. Le défi est lancé.

Jusqu’au 16 octobre
Au Théâtre de la Bordée
Voir calendrier Théâtre